Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.
La question revient dans les salons, forums et autres témoignages de créateurs et accompagnateurs de créateurs. Même chez les (futurs) consultants intéressés par le portage salarial ou la coopérative d'activité et d'emploi comme tremplin vers la création d'une société. A chaque situation sa réponse et les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Pour autant, le témoignage de personnes ayant vécu les choses peut aider à prendre du recul.
Pour ce qui me concerne, j'ai connu 3 associations successives, pour co-créer et développer 3 petites sociétés de conseil et formation, et même en fermer une. Le point commun était l'activité : comme pour la majorité des freelances, entrepreneurs solos, consultants indépendants, il s'agissait de fournir des interventions de conseil et/ou formation et/ou accompagnement individuel/collectif à des clients entreprises. Donc, des prestations intellectuelles BtoB. La différence était l'écart d'âge (j'étais plus jeune que mon associé deux fois sur trois) et le parcours professionnel antérieur (mon associé était deux fois sur trois un manager opérationnel abordant le conseil).
Avec le recul, je retrouve les constats de beaucoup de personnes. Du côté positif : ne pas être seul, augmenter le capital de la société, multiplier les efforts/la motivation, développer de la complémentarité. Ne pas être seul était une condition de départ, à chaque fois, pour mon associé comme pour moi. Nous ne voulions pas, ne pouvions pas, ne savions pas tout faire tout seul. Le portage salarial ou le régime micro (devenu auto-entreprise) n'existait pas ou était peu ou pas connu. Venant de l'entreprise, nous voulions créer une société avec des associés actifs salariés.
Augmenter le capital était nécessaire pour avoir rapidement quelques moyens et un appui bancaire même limité, afin de se développer correctement. Multiplier la force de travail est toujours possible en faisant appel à des prestataires externes, à des sous-traitants. Et c'est d'ailleurs un modèle de plus en plus présent dans nos métiers du conseil et de la formation. Combien de coquilles vides se créent, avec une personne seule en société unipersonnelle, parfois même en simple entreprise individuelle/auto-entreprise ? Un site web moderne, un "qui-sommes-nous" qui ne trompe personne, un ego de “dirigeant” auto-proclamé … “dirigeant” de son activité individuelle qui dit avoir (ou voudrait bien attirer) des “collaborateurs”, co-traitants ou partenaires.
Développer la complémentarité et la motivation ne peut pas se faire sans être associé, à mon avis. Mais être associés ne garantit ni l'une ni l'autre. Tout le monde n'est pas Dubrule et Pélisson, Procter et Gamble, Jobs et Wozniak, Michel et Augustin ! Et c'est là qu'on arrive aux côtés négatifs de l'association, par exemple si le capital est à 50/50 : si l'entreprise bas de l'aile la situation se tend ou se bloque, si la réussite est au rendez-vous les associés risquent de se bagarrer pour partager les bénéfices ou pour la revente de l'entreprise.
Dans une activité de conseil, ce n'est pas tant la répartition du capital entre 2 ou plusieurs associés qui fait l'intérêt de l'association : c'est bien la différence et la complémentarité des profils, des parcours, des styles. Chacun doit pouvoir s'y retrouver et, de préférence, durablement. L'amitié de deux copains d'école/de fac, de deux collègues de bureau n'assure pas la réussite de l'association. L'étymologie du mot “associer” (mettre ensemble, arranger, joindre) est liée au latin “socius” = compagnon. Quelle magnifique illustration que celle d'une société constitué d'associés, d'une compagnie qui fait compagnie !
Et c'est là que les formules intermédiaires peuvent apporter une sécurité, une période probatoire, pour tester en grandeur réelle la future association, via portage salarial ou coopérative, au sein d'une structure solide avec un accompagnement. J'ai vu nombre de futurs créateurs cohabiter comme indépendants associés sur des projets et des missions clients, et ainsi apprendre à régler leurs désaccords ponctuels, à construire leur synergie, à jauger leur futur “affectio societatis”.
Evidemment, il est toujours possible de créer seul ou de ne pas créer au sens strict, en étant responsable de sa “petite entreprise portée”. Pour une activité fondée sur une expertise individuelle forte, pas besoin de s'associer. Pour autant, rester seul, ne pas associer d'autres personnes à la construction et au développement de son activité même solo est une erreur à mon sens : un risque de plantage ou retard au démarrage, un risque de dessèchement, d'isolement à terme.