Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Lorsque j’usais mes fonds de culotte sur
les bancs du collège, un de mes professeurs avait l’habitude de dire :
« En mathématiques, il faut être sainement paresseux ». Ce qui
signifiait que, pour aller d’un point A à un point B d’une démonstration, le
plus court chemin était toujours préférable. Inutile de réinventer la roue si
cette dernière remplit parfaitement son office.
En finance, la saine paresse a aussi ses
vertus. Il faut profiter de la sagesse de nos aînés qui, si elle n’est pas
toujours largement partagée, a le mérite d’exister, à condition de savoir où la
chercher et à qui faire confiance.
Seth Klarman, le très apte investisseur de
Baupost Capital, est l’un de ces hommes qu’il est indispensable d’écouter
lorsque l’occasion se présente. A un moment où les investisseurs, oublieux de
la crise financière de 2008/09, redeviennent quelque peu complaisants sur les
marchés, il énonce 20 leçons utiles à méditer, que je fais miennes sans
réserve.
- Ce n’est pas parce que vous
n’avez jamais connu un événement qu’il ne peut pas survenir. Soyez préparé à
l’inattendu, y compris à de fortes et soudaines variations sur les marchés et
dans l’économie. Quels que soient vos scénarii les plus prudents, la réalité
peut être bien pire. - Lorsque le crédit coule à flot,
les acteurs économiques se laissent endormir par une fausse impression de
sécurité. Tout excès, après avoir franchi les frontières régionales et
nationales, finit par prendre fin, dans une crise à la hauteur de la démesure
précédemment atteinte. A cette occasion, il n’est plus guère facile de se
protéger car la corrélation entre les différentes classes d’actifs est alors
très forte. - Dans le couple
rendement/risque, ne sous-estimez jamais le risque dans le seul but d’obtenir
l’un ou l’autre pourcent de rendement supplémentaire. La gourmandise vous
exposera trop durement en période de crise. Prenez des mesures de sécurité et
profitez des baisses de cours lorsque les autres seront forcés de vendre. - Le risque est toujours relatif
au prix payé. L’incertitude, ce n’est pas le risque. De fait, en période de
grande incertitude – par exemple, la crise boursière de 2008 – les prix peuvent
être à ce point sacrifiés qu’investir à ce moment-là devient extrêmement peu
risqué. - Ne vous fiez pas aux modèles de
risques financiers. Accordez vous-même une attention de chaque instant à
l’évolution des risques et ne laissez pas cette tâche à un ordinateur : les
marchés sont gouvernés par les comportements des investisseurs et non par les
lois de la physique. - Soyez particulièrement
conservateur avec vos liquidités à court terme. Tout risque encouru peut vous
exposer à des pertes dramatiques au moment où vous auriez le plus besoin de
votre argent. - Pour tout actif, un prix de
marché n’équivaut pas toujours à la valeur de cet actif, surtout lorsque la
Bourse montre des signes d’exubérance. Restez sceptique et critique. - En période de crise, votre
approche d’investissement doit être large et flexible. Les opportunités peuvent
être vastes mais éphémères et il s’agit d’en profiter avec célérité et
sagacité. - Achetez lorsque les prix
baissent et que les volumes traités sont à votre avantage. Mieux vaut investir
trop tôt que trop tard.
10.
Attention aux innovations
financières. Les nouveaux produits financiers sont généralement pensés pour
bien performer lorsque les marchés montent mais vous exposent au pire
lorsqu’ils baissent. La titrisation des crédits hypothécaires reste un exemple
cuisant de cette mise en garde.
11.
Les agences de notation sont
infectées de conflits d’intérêts. Ne leur faites pas confiance.
12.
Assurez-vous d’être
suffisamment compensé si vous investissez dans des actifs peu liquides, qui
peuvent engendrer des coûts d’opportunité énormes.
13.
A rendements équivalents,
préférez des investissements cotés sur des marchés à ceux qui ne le sont
pas : les premiers sont plus liquides et offrent des meilleures occasions
de se renforcer à bon compte en cas de crise.
14.
Attention à l’endettement sous
toutes ses formes : ne vous endettez à long terme que pour des actifs
également à long terme et vérifiez le degré d’endettement de l’économie dans
son ensemble.
15.
Les rachats financés par la
dette (LBOs) sont des désastres en sursis, surtout lorsque le prix payé est
excessif.
16.
Soyez particulièrement méfiant
à l’égard des actions du secteur financier (surtout les banques), très
concurrentiel et fortement dépendant de l’effet de levier surtout lorsque des
objectifs élevés de rendement sur fonds propres sont recherchés.
17.
Si votre activité est de
conseiller des investisseurs, il est crucial de leur inculquer une vision de
long terme.
18.
Si une autorité gouvernementale
affirme qu’un problème systémique a été « circonscrit », ne la croyez
pas.
19.
Tout gouvernement agira de
façon à limiter, autant qu’il est possible, les problèmes à court terme. Ce
faisant, il risque de semer un vent qui se muera un jour en tempête.
20.
Vous ne trouverez jamais de
responsables auto-proclamés en cas de crise financière, ni du côté des
spéculateurs ou des banques, ni du côté des régulateurs ou des gouvernements.
Voilà de la bonne herbe que je vous laisse
ruminer tranquillement. Ne l’ingurgitez pas trop rapidement.