Lorsque l’on monte une entreprise, l’un des défis à relever concerne le recrutement de personne qualifiée. Pour les startups, qui sont pour la plupart de petites structures, l’enjeu est d’autant plus important, car il en va même du développement rapide de l’entreprise. Pourtant, deux startups françaises ont décidé de résoudre ce défi de manière atypique en « recrutant » de la main-d’œuvre au sein des maisons d’arrêt. Un choix qui semble porter ses fruits, et pas seulement pour les startups.
Faire appel aux détenus pour s’assurer de la main-d’oeuvre
Olivier Labrude est le fondateur de la startup Pictura Innovation, une petite structure vosgienne fabricant et commercialisant des pistolets de marquage à la peinture écoresponsable. Son produit innovant qui n’utilise pas de gaz pour projeter la peinture, peinture qui est elle aussi éco labellisée, connait un énorme succès, et de plus en plus de clients afflux pour passer commande. Ne pouvant pas suivre le rythme à lui tout seul, Olivier Labrude décide alors de recruter. Il se tourne pour cela vers des profils atypiques : les détenus de la maison d’arrêt d’Épinal
. En partenariat avec l’Agence du Travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle ATIGIP, Pictura Innovation délocalise donc son atelier au sein de la maison d’arrêt et embauche un prisonnier. Deux ans plus tard, ce sont cinq détenus qui travaillent à temps plein pour le compte de la startup Pictura Innovation. Un pari gagnant, surtout pour les détenus qui sont impliqués dans leur tâche, comme l’explique Olivier Labrude : « Ils sont très impliqués dans ma société, et attachés au projet. Lorsque j’ai un nouveau prospect ou un marché à remporter, ils me demandent régulièrement des nouvelles. J’ai même un détenu qui m’a demandé si je pourrais l’embaucher à la sortie. Je lui ai répondu que j’y étais tout à fait ouvert ».
Cyril Berthier, fondateur et dirigeant de LM Eco Production, une startup spécialisée dans le reconditionnement de matériel informatique, partage le même constat. Ce dernier est agréablement surpris par l’attitude « toujours très volontaire » des détenus, « pour qui l’on sent que le travail est une chance dont ils sont reconnaissants ». LM Eco Production sous-traite quelques missions auprès de détenus répartis dans trois centres d’arrêt de la région Rhône-Alpes. En plus de proposer du travail aux prisonniers, la startup prend également le temps de former les détenus à de nouvelles pratiques, s’inscrivant ainsi dans un véritable programme de réinsertion professionnelle. LM Eco Production travaille ainsi avec une vingtaine de détenus actuellement.
Un moyen de faire chuter la récidive
En France, le taux de récidive est de 60% environ dans les 5 années suivant la sortie en détention. Selon Benjamin Guichard, chef de service des politiques d’accompagnement vers l’emploi au sein de l’ATIGIP, « des travaux universitaires, des études de groupes de recherche et des inspections successives ont prouvé qu’on observait une vraie chute du taux de récidive chez les détenus accédant à un travail. En Italie et en Autriche, des expérimentations très documentées sur des établissements où presque 100% de la population carcérale avait accès à un emploi se sont soldées par une chute pouvant atteindre jusqu’à 30% du taux de récidive ».
Pour terminer, il ajoute que grâce à ce programme de réinsertion professionnelle, la détention est plus « agréable » pour les détenus, mais aussi pour le personnel et les surveillants, qui notent une diminution des actes de violence.