Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Nous en avons déjà parlé : parmi les facteurs à l’origine d’une bonne performance des actions, deux émergent régulièrement des études empiriques comme étant les plus stables et significatifs dans le temps : le facteur « value » (à savoir : faible valorisation, telle qu’indiquée par les multiples comme le rapport cours/bénéfice ou cours/valeur comptable des fonds propres) et le facteur « momentum » (à savoir : les actions qui ont bien performé dans un passé proche continueront à bien performer dans un avenir proche).
Fort bien !
Mais, très vite, le scepticisme s’empare de l’investisseur. A priori, ces deux facteurs sont antagonistes : les actions avec un bon momentum ont, par définition, le vent en poupe en Bourse tandis que les actions bon marché sont le plus souvent délaissées, au moins provisoirement, par les investisseurs.
Comment dès lors combiner ces deux facteurs, peu conciliables en apparence, au sein d’un même portefeuille d’actions ?
Trois possibilités (en réalité, quatre, comme nous allons le voir) s’offrent à l’investisseur.
- Scinder le portefeuille en deux catégories 50/50, l’une regroupant les actions les meilleur marché et l’autre regroupant les actions avec le meilleur momentum.
- Effectuer, au sein d’une population d’actions donnée, un double classement : value et momentum ; et sélectionner les actions qui présentent le meilleur « ranking » combiné.
- Entreprendre une démarche séquencielle, ce qui est possible de deux façons : au sein des actions ayant le meilleur momentum, sélectionner celles qui sont les meilleur marché ; ou bien, de façon symétrique, au sein des actions les meilleur marché, sélectionner celles qui ont le meilleur momentum.
Et que pensez-vous qu’il se passa lorsqu’on compara les performances de ces stratégies sur les dernières décennies (aux Etats-Unis, en dollars et hors frais) ?
Précisons d’abord qu’en terme de stratégie pure (value ou momentum), le momentum donne la meilleure performance en absolu (18,2% par an sur la période 1963-2013 contre 15,9% par an pour le value), soit près du double de l’indice (10,2% par an). Mais cet avantage du momentum sur le value se gagne au prix d’une plus forte volatilité (notamment des chutes de cours plus brutales à certains moments).
Pour ce qui est des combinaisons value/momentum, la plus mauvaise performance revient au ranking combiné (15,8% sur 50 ans), ce qui reste, notez-le bien, meilleur que l’indice. Vient ensuite la stratégie 50/50 : les facteurs purs repris dans un même portefeuille donnent un rendement annuel de 17,7% (toujours sur 50 ans), soit un peu moins que le momentum pur mais avec un meilleur rapport rendement/risque grâce au bénéfice de la diversification. Mais ce qui marche le mieux, c’est l’approche séquencielle à partir du facteur value, à savoir investir dans les actions présentant le meilleur momentum au sein des actions les meilleur marché : sur les 40 dernières années (je n’ai malheureusement pas le chiffre comparable sur 50 ans, comme précédemment), la performance annuelle est de 20,8% (contre 14,2% pour l’indice).
Pas mal du tout …
Mais est-ce imbattable ?
Pas tout à fait ! Trier les actions bon marché (value) sur la base de la qualité des fondamentaux (rentabilité, robustesse financière, …) permettrait de faire un peu mieux : la performance annuelle sur 40 ans est voisine de la précédente (à 20,7%) mais avec un risque moindre. Il n’y a, sans doute, pas de hasard derrière cette similitude de performances entre les approches momentum et qualité : le momentum serait en fait un symptôme (un « proxy ») de la qualité (ou de l’amélioration de la qualité) des actions.
Terminons par l’inévitable formule de prudence : les performances passées ne sont pas nécessairement reproductibles. Il me semble toutefois que vous avez là quelques clés pour une stratégie actions intéressante (par rapport à l’indice).
Pour creuser la question, vous pouvez vous reporter utilement ici :
http://blog.alphaarchitect.com/2015/03/26/the-best-way-to-combine-value-and-momentum-investing-strategies/
http://blog.alphaarchitect.com/2015/05/07/combining-value-investing-momentum-investing-part-2/