Par Laurent Edel (contributeur) – Donner le déclic aux futurs entrepreneurs
Je vous promets que c’est le
produit de vos rêves
Sandra
réalise son projet. Profitant du boom de l’immobilier et de son expérience de
chasseuse de tête, elle lance son business : rechercher des appartements
pour des clients occupés et exigeants. Tout irait bien si ses clients étaient
plus faciles. Elle a du mal à les convaincre et rate ses premières ventes. Les commissions
sont rares, ses réserves s’épuisent et
elle commence à douter de son choix.
Pourtant, elle
sélectionne soigneusement des appartements qui correspondent « exactement
aux souhaits de mes clients. Comme je suis de nature enthousiaste, je suis
pressée de leur montrer ce que je trouve, certaine que ça leur plaira». Exemple
de discussion avec un client pour qui le principal critère est le calme :
- Client :
« C’est bruyant ici. - Sandra :
C’est calme, les fenêtres donnent sur un parc. - Client :
Pour moi, il y a du bruit. - Sandra :
Mais il y a très peu de trafic dans la rue. - Client :
Je recherche le silence. - Sandra :
N’oubliez pas que vous êtes à Paris, ça n’existe pas ».
Finalement,
le client n’est pas preneur, la jeune entrepreneuse perd une nouvelle vente et
stresse un peu plus.Dans une
autre situation, le débat porte sur la luminosité. Pour
le client l’appartement est sombre. Sandra essaie de le convaincre du
contraire : « Mon appartement au premier étage est clair, ça ne m’empêche
pas de mettre la lumière à 16 heures ».
Visiblement,
la lumière et le calme, c’est comme les goûts et les couleurs. Ça se
discute ! ll y a une infinité de nuances. Chacun place son curseur en
fonction de sa perception personnelle. Est-ce productif de vouloir s’entendre
sur un critère subjectif ? Ce qui sera lumineux pour elle sera sombre pour
son client. Et plus elle cherche à le convaincre plus il résiste. Sandra sourit
et comprend : ça ne fonctionne pas.
Trouver la bonne
posture est difficile. Ses clients lui demandent de sélectionner des biens pour
eux mais pas de prendre la décision à leur place. Ils lui demandent une aide
limitée. Si elle empiète sur leur responsabilité, elle les perd. S’activer,
donner envie, et se retirer en finesse. Elle démarre dans ce métier avec
l’envie de bien faire et le besoin de gagner sa vie. Fonctionner autrement sera
difficile. Mais elle veut bien essayer : « Comment pouvez-vous faire
le contraire ? Résister pour les laisser pousser » ? Elle
réfléchit : « Je pourrais dire : ce n’est pas pour vous, il y a
un défaut, ce n’est pas exactement ce que vous vouliez. Le prix est supérieur à
votre fourchette. La vue n’est pas totalement dégagée. ». Sandra découvre
qu’elle peut nuancer ses propos en jonglant avec des informations subjectives
et objectives. Elle essaie sa nouvelle stratégie et me rappelle soulagée, elle
a réussit une vente. Elle a tempérée son enthousiasme, a gardé profil bas. Le
client s’est senti libre d’apprécier le lieu, il a pris la responsabilité de
choisir.
Grâce à Sandra je
réalise l’intérêt de mon approche pour des problématiques commerciales. Comme tout
nouveau vendeur, elle a envie de gagner rapidement de l’argent et met tout son
cœur à satisfaire ses clients. Et plus elle veut les convaincre plus elle a du
mal à conclure les ventes. C’est un cas d’école pour l’approche paradoxale de
la réussite®.
Sandra ne voit pas et
n’entend pas les mêmes choses que ses clients. Se mettre d’accord est un combat
stérile. Elle rate des ventes. Fort des croyances, expériences et valeurs,
chacun voit le monde à sa façon. Mes formateurs appellent cela « la vision
du monde ». Pour aider mes clients à changer, j’ai appris à rejoindre leur
vision du monde et à mettre de côté la mienne. Au début, j’interprétais leurs paroles
avec mes propres filtres. Je croyais savoir ce qui était bon pour eux et n’arrivais
pas à les aider.
Les premières
démarches de Sandra échouent. Elle tente une stratégie à 180° de ses tentatives
infructueuses. Résister pour laisser ses clients pousser. Arrêter de vouloir les
convaincre pour les laisser se convaincre seuls. Paradoxalement, c’est au
moment où elle modère son ardeur à vendre qu’elle vend ! Ses clients se
sentent libres d’apprécier ou pas ses produits. Plus elle les laisse choisir,
plus ils peuvent se décider. Dans notre vocabulaire, on appelle ça
« freiner ». Challenger les motivations au changement. Insister sur
les inconvénients. Identifier les risques. Permettre à ses clients de mobiliser
leurs ressources. Les responsabiliser les aide à se sentir plus libre. Au
début, j’avais envie que mes clients changent plus qu’ils ne le souhaitaient eux-mêmes.
Ça ne marchait pas.