Par Laurent Dureau (contributeur) – Manager de Transition et Serial Entrepreneur
Avoir un tableau de bord pour piloter l’entreprise est aussi important qu’un volant pour conduire une voiture. Formalisé ou non, tout dirigeant en possède un. Seulement voilà, est-il suffisamment pertinent pour pouvoir prendre des décisions fiables ? La petite entreprise va à l’essentiel et compte sur sa réactivité pour corriger le tir en juste à temps alors que la multinationale, plus lourde à manier, nécessite des montagnes de reporting.
Commençons donc par énoncer quelques règles souvent méconnues des dirigeants :
1 – Un tableau de bord n’est que le regroupement d’indicateurs
Le nombre visible d’indicateurs est forcément limité sous peine de saturation.
2 – Chaque indicateur retenu doit prouver sa pertinence
Par principe tout indicateur est bon à prendre, mais quelquefois son coût d’obtention est disproportionné par rapport au bénéfice acquis.
3 – Tout indicateur n’est valable que dans un contexte donné
Regrouper chaque indicateur selon le degré d’urgence (ce qui déterminera sa visibilité) puis par son degré de pertinence et enfin par la fiabilité de l’information fournie.
4 – Tout indicateur n’est que la visualisation d’une information fournie à un temps t
L’information doit être un reflet objectif d’une variable dans une réalité à un temps t
5 – Tout information fournie doit pouvoir faire prendre une décision immédiate
Si ce n’est pas le cas, alors cet indicateur ne sert à rien
6 – Toute information déclenchant une décision automatisée se fera reléguée en arrière plan
Par définition un tableau de bord aide à la décision donc exit tout ce qui prend des décisions à votre place…
7 – C’est le tableau de bord qui s’adapte au dirigeant et non l’inverse…
Car le dirigeant doit lui-même s’adapté aux nécessités de l’entreprise qui évolue dans un contexte de plus en plus imprévisible.
Pour être pragmatique, voyons maintenant comment mettre cela dans la pratique d’une manière simple. Partons de votre expérience en tant que conducteur d’un véhicule au même titre que le dirigeant est le conducteur de l’entreprise. Que vous soyez un chauffard, un pilote de rallye ou un routier sympa vous avez besoin que votre tableau de bord soit fiable et suffisamment informatif sous peine de bien des désagréments (panne d’essence, PV excès de vitesse, moteur cassé,…).
Les 4 principaux indicateurs actifs
Indicateur |
Observation |
1 – Jauge Essence
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Par ordre d’importance c’est le premier indicateur qui est apparu sur les voitures car sans essence, la voiture n’est qu’un objet d’art. Cet indicateur est à rapprocher de la finance et tout particulièrement de la trésorerie. Selon son état, le conducteur sait combien de chemin il lui reste à parcourir et surtout quand cela commence à être critique (témoin de réserve). |
2 – Jauge de Température
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Celle-ci vient en second et était surtout nécessaire pour les voitures anciennes mais reste malgré tout très voyant sur les nouvelles. Cet indicateur est à rapprocher du climat social car tout le monde sait que quand le moteur chauffe la panne n’est pas loin surtout si le témoin s’allume… |
3 – Indicateur de vitesse
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Il indique l’état d’avancement relatif par rapport à un objet fixe (radar par exemple) et permet d’évaluer arbitrairement une distance de freinage avant un arrêt complet (volontaire ou non). Cet indicateur est à rapprocher de la production. En effet, la vitesse effective d’un véhicule dépend de la route sur laquelle il circule, de la vitesse enclenchée, du moteur à répondre à la demande (capacité et chauffe) entraînant une consommation de ressources énergétique très variable. |
4 – Compte tour
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Non livré en standard, cet indicateur a pour objectif de visualiser la réserve de puissance du moteur et de ses limites. Initialement installé sur les voitures de courses (la surdité sévissait..), il se retrouve maintenant dans toutes les voitures un peu trop capitonnées et avec autoradio conséquent. Dans le cas d’une entreprise, cela permet de prendre conscience des réserves de puissance de la production et de changer de vitesse avant d’atteindre des limites « chauffantes » et fortement consommatrice de liquidité. |
Les autres indicateurs actifs
5 – Clignotants
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Permets de contrôler que l’on communique un changement de direction. Lumineux à l’extérieur et pour le conducteur, sonore à l’intérieur pour les passagers, cet indicateur annonce qu’une manœuvre est programmée. Pouvant se faire par annonce-presse, notes internes ou autres, la situation est délicate quand tous les clignotants sont au travail simultanément. L’attention doit redoublée (warning). |
6 – Feux AV et AR
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Cela symbolise la communication avec l’extérieur : De nuit, leur usage est fortement conseillé pour ne pas dire obligatoire sinon c’est le plantage assuré. Par contre de jour, leur usage est surtout recommandé pour qui enfreint les règles (ligne continue, dépassement olé olé, vitesse inappropriée,…) et depuis peu pour réveiller tous les endormis qui circulent autour de nous. En bref voici une petite traduction : Feux de position = J’existe, je suis là… [Ma société a un numéro SIRET] Feux de route = J’existe, je suis là et je suis connu [On me trouve dans les pages jaunes] Plein phare = J’existe, je suis là et je me fais connaître (surtout de jour pour réveiller les endormis) [Je fais de la pub…] Anti-brouillard = J’existe, je suis là et je n’y vois pas grand chose [Communication de crise] Feux arrière = Attention j’existe, je suis là et je roule à l’envers [On s’est planté…] |
Les autres indicateurs
7 – Pas franchement vitaux, ils se veulent rassurants pour le chauffeur : Frein à main, air bag, fermeture des portes, ceinture de sécurité,…
Il est clair que tout cela n’existait pas dans la 2CV et pourtant statistiquement je crois qu’il y a eu moins de morts avec cette voiture qu’avec tous les modèles d’aujourd’hui. Faut dire que l’excès de vitesse n’était pas son genre, qu’une portière ouverte ne changeait en rien la sécurité ambiante, que le capot faisait office d’airbag et qu’au moindre choc frontal la ceinture de sécurité aurait arraché le plancher.
Plus sérieusement, beaucoup d’entreprise sont assimilables à une 2CV notamment les TPE/TPI. Loin d’être un handicap, les tableaux de bord minimalistes permettent d’aller à l’essentiel mais il faut que les autres sens du chauffeur soient opérationnels (odeurs, bruits, vibrations).
Dans le cas des grandes entreprises, le QG loin de l’opérationnel se trouve dans une limousine complètement calfeutrée et là commence la galère du reporting. Tout mesurer pour mieux contrôler est un piège du mental analytique qui n’ose avouer qu’il est impuissant devant le chaos naturel de la vie.
Messieurs les chefs d’entreprise, ne vous prenez pas la tête, revenez à l’essentiel pour vos indicateurs et observez si vous conduisez votre entreprise comme vous conduisez votre voiture fut-elle un 4×4, une 2Cv, une familiale ou une F1. Assurez-vous seulement qu’il y ait concordance dans les styles…