Tesla, le court terme médiatique et le long terme boursier

Vincent colotPar Vincent Colot (chroniqueur exclusif) - Analyste financier

Pour le commun des mortels, la Bourse,
terrain de jeu de vils spéculateurs, est le royaume du court-termisme.
« Il suffit de voir la volatilité des cours », me disait encore
récemment un ami. Il serait idiot de nier que à la fois la Bourse dans son
ensemble et les actions individuelles comptent parmi les placements les plus
nerveux. Il existe des paris à court terme en fonction de toute une série de
paramètres, techniques ou fondamentaux. Certains vont miser sur la performance
bénéficiaire trimestrielle de telle ou telle entreprise. D’autres vont tenter
d’anticiper les allocations de capitaux des gérants institutionnels entre
catégories d’actifs et grands blocs régionaux (« Follow the money »).
Enfin, des programmes informatiques tournant sur des ordinateurs ultra-rapides
vont rechercher des opportunités d’arbitrage sur quelques micro-secondes
(« Trading à haute fréquence »). Ce vaste « concours de
beauté » consistant à deviner à l’avance les réactions des uns et des
autres existe bel et bien et alimente la liquidité des marchés. Mais, en
prenant un peu de hauteur, on se rend vite compte qu’il s’agit de « bruits »
statistiques qui ne peuvent cacher la forêt des fondamentaux à long terme.

Court-termiste, la Bourse ? Dans le
cours d’une action, on retrouve en fait majoritairement les fondamentaux (bénéfices,
dividendes, cash flows, etc.) attendus au-delà de la 7e prochaine
année. Ce qui signifie que les prévisions bénéficiaires de l’année prochaine ou
de l’année suivante ne sont en réalité guère importantes, SAUF sur ce
qu’elles nous renseignent éventuellement quant à la trajectoire à plus long
terme de l’activité de l’entreprise concernée.

Car si la Bourse était aussi court-termiste
que ce que certains imaginent, les actions d’entreprises qui connaissent des
pertes aujourd’hui ne devraient rien valoir du tout. Mais attention :
l’espoir de lendemains meilleurs n’est pas en soi une stratégie et ne doit pas
amener l’investisseur à payer n’importe quel prix pour les actions d’une
entreprise promise à un bel avenir.

Prenons le cas de l’américain Tesla, un des
spécialistes mondiaux de la voiture électrique, dont le cours a été multiplié
par 6 en un an et qui pèse actuellement en Bourse quelque 22 milliards de
dollars. Pas si mal pour une entreprise toujours en pertes, n’est-ce pas ?
Mais ne pourrait-on pas retourner l’argument et soutenir que si cette
entreprise est à ce point valorisée, c’est parce qu’elle est portée par un
climat médiatique favorable. Pour tenter de vérifier cette hypothèse, Aswath
Damodaran, réputé Professeur de Finance à la New York University, a tenté un
délicat exercice de valorisation.  Avec une
récente croissance du chiffre d’affaires particulièrement forte (multiplié par
23 entre les premiers semestres 2012 et 213), une entreprise comme Tesla,
malgré tout en pertes donc, requiert toute la science de l’analyste. Une façon
de s’en sortir est d’estimer le profil financier de l’entreprise en période de
maturité  et d’en inférer le cours de
l’action aujourd’hui. A partir d’hypothèses assez ambitieuses (dans dix ans, un
chiffre d’afafires équivalant à celui de Audi aujourd’hui et une
rentabilité  proche de  celle actuellement de Porsche), Damodaran
aboutit à une valorisation boursière de 68,3 milliards de dollars en 2022. Si
on compare  ce montant avec l’actuelle
capitalisation de 22 milliards, l’investisseur 
non chevronné pourrait y voir une aubaine. Las … En tenant compte
notamment  de la valeur temps de l’argent
(1 USD demain vaut moins qu’1 USD aujourd’hui), 
du risque inhérent à une entreprise encore jeune et de l’augmentation du
nombre d’actions prévisible  suite au
financement du développement de l’entreprise et à l’attribution de stock
options,  la valorisation passe de 68,3
milliards dans dix ans à … 8,1 milliards aujourd’hui. Ce qui donne un cours «
correct » à l’action de 67,1 USD à comparer avec le cours de Bourse de 180 USD
! Bien trop cher, donc …

Revenons à notre débat. Au cours actuel de
Tesla, la Bourse prend sans doute trop largement en compte les perspectives
bénéficiaires à long terme de l’entreprise. Les investisseurs seraient en ce
cas aveuglés par un climat médiatique trop favorable à court terme à cette
entreprise. Vous m’avez bien suivi ? 

http://aswathdamodaran.blogspot.com/2013/09/valuation-of-week-1-tesla-test.html

http://aswathdamodaran.blogspot.com/2013/09/many-slip-between-cup-lip-from-forward.html

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