Think Big

Gilles MartinPar Gilles Martin (chroniqueur exclusif)Président fondateur de PMP et fondateur de Youmeo

C’était à l’Université du MEDEF. Des dirigeants interpellaient le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, sur le thème : « Comment libérer l’entreprise ? ». Nathalie Stübler, CEO de Transavia, parle justement d’innovation : « Libérez l’entreprise, c’est innovons ». Et pour bien innover elle envoie cette formule : « Think Big !; En France, nous aimons qualifier les choses par « petit » : un(e) petit(e) amie, un petit-déjeuner… Soyons optimistes et pensons grand. Mettons les moyens nécessaires pour être à la hauteur de nos rêves, voyons grand, innovons pour proposer le meilleur accueil et la meilleure expérience à nos visiteurs. Penser Grand, c’est insuffler un vent d’optimisme et de confiance ! ». Innover, c’est le secret de la croissance.

Je repensais à cette déclaration en forme de manifeste en écoutant un Directeur de l’Innovation cette semaine. Il est là depuis quelques mois. Pour le moment ce qui le préoccupe, c’est « la gouvernance » : Qui, des Unités Opérationnelles du Groupe ou sa Direction, va avoir la main sur les budgets. Et aussi la recherche des « thématiques » pour orienter l’innovation. Des idées de ces thématiques ? « On va y réfléchir… ». Pour ça on va mettre en place des procédures, des outils, des instances de décision, des « Labs ». Mais a-t-on des idées de grandes choses pour l’avenir du Groupe ? Ben, ça va venir. Le vent d’optimisme n’a manifestement pas encore soufflé ici, ou alors doucement.

Voilà toute la différence entre ceux qui « Think Big » et les autres.

C’est l’objet du livre de Salim Ismail, Directeur exécutif fondateur de la Singularity University, « Exponential organizations – Why new organizations are ten times better, and cheaper than yours (and what to do about it)”. C’est devenu mon ouvrage de référence. Lisez le vite si ce n’est déjà fait.

Que dit ce livre ?

Qu’il y a aujourd’hui deux types d’organisations. Celles qui voient le monde comme une évolution linéaire de la croissance, dans un monde de compétition assez continue. Et puis il y a les autres, ces start up qui dont valorisées plusieurs milliards de dollars, qui ont des taux de croissance à deux chiffres et qui n’arrêtent pas de grandir. On pense aux fameux GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) devenus GAFAM avec Microsoft qui rejoint le club. Le total de la capitalisation boursière de ces GAFAM est maintenant de 3.000 milliards de dollars, soit un peu plus que le PIB de la Grande Bretagne, et à peine celui de l’Allemagne (3.400 milliards). Cela va de Google (513 milliards) à Apple (886 milliards). Mais elles ne sont pas les seules. Elles sont nombreuses et de plus en plus nombreuses. Ce sont les « Exponential Organizations ».

Salim Ismail en donne la définition : Une organisation exponentielle (ExO) est une organisation dont l’impact (ou l’output) est disproportionnellement large, au moins dix fois plus large comparé à ses pairs, grâce à l’utilisation de nouvelles techniques d’organisation, qui utilisent l’accélération des technologies.

Plutôt que d’utiliser des armées de collaborateurs, ou de construire de grandes usines à travers le monde, ces organisations se construisent à partir de la technologie, en dématérialisant ce qui était physique en digital dans un monde « on-demand ». 

Cette transformation digitale se développe de manière exponentielle. Déjà en 2012, 93% des transactions aux Etats Unis étaient déjà digitales. Cela concerne les appareils photos, les cartes routières, les livres, la musique. En Chine Alibaba, la « pieuvre de Hangzou » remplace les magasins, et est en train de dépasser Amazon, avec une croissance de 30% par an.

Alors, forcément, si ça continue ce sont bien des organisations exponentielles qui capteront la plus grande part de valeur et largueront toutes celles qui continueront à suivre la voie de la croissance linéaire.

L’objet du livre de Salim Ismail, c’est de rechercher ce qui caractérise ces organisations exponentielles, leurs secrets, et d’aider les autres, ou celles en création, à reprendre ces critères pour faire la même chose.

Et le point de départ, ce qui caractérise toutes ces organisations exponentielles, devinez ce que c’est. Et oui : THINK BIG !

C’est ce que l’auteur appelle leur MTP (Massive Transformative Purpose).

Penser grand est obligatoire pour être une organisation exponentielle. Quelques exemples de credos : «  Organize the world’s information » (Google), «  Ideas world spreading » (TED), «  Positively impact one billion people » (Singularity University). Cela change de ce que les entreprises linéaires appellent leurs “plans stratégiques” qui parlent de chiffres d’affaires, de coûts, de parts de marché (rien de stratégique là-dedans). Car ce qui caractérisent ces credos, c’est leur côté inspirant. Cela ne dit rien de ce que l’entreprise fait, mais de ce qu’elle veut accomplir dans le monde. C’est ce que Salim Ismail appelle un « Massive Transformative purpose » : L’objectif le plus élevé et le plus inspirant pour l’organisation. Un peu comme vouloir transformer le monde comme un miracle. Cela n’a rien à voir avec ce que l’on appelle une « mission » qui veut combler les clients, ou satisfaire les actionnaires (ce sont des objectifs massifs, mais qui ne transforment pas le monde). Ce qui caractérise un MTP, c’est cette volonté de transformation culturelle. C’est aussi pourquoi ces organisations génèrent des phénomènes de communautés (on pense aux files d’attente devant les magasins Apple, à la ruée sur les tickets pour les évènements TED). Tout un écosystème de fans excités se développe. Et cela crée d’autres offres et services par de nouvelles organisations connexes (voir les applis sur la plateforme Apple, ou les vendeurs de gadgets comme les coques d’Iphone). L’impact externe de ces organisations, de leurs produits et services, est énorme (pendant que les entreprises linéaires peinent à comprendre leurs clients perdus à coups d’enquêtes et de focus groupes).

Ce qui compte dans ces organisations, c’est le « purpose » , le fameux « Pourquoi nous existons », « Pourquoi nous travaillons ». C’est la démonstration de Simon Sinek : le Pourquoi d’abord, puis le Quoi, puis le Comment.

Autre avantage de ce « Massive Transformative Purpose » pour l’organisation exponentielle, c’est de larguer d’entrée tous les compétiteurs qui voudraient faire la même chose. Une fois que Google a dit vouloir organiser l’information du monde, pas facile de dire « je veux moi aussi organiser l’information du monde mais en mieux ».

Un MTP fort, c’est aussi le meilleur moyen d’attirer les talents, de donner envie aux meilleurs de travailler pour cette organisation.

Mais, au-delà des clients et des employés, ce MTP va aussi attirer tout un écosystème de partenaires, consultants, co-traitants, start ups, et même les autorités publiques. C’est ainsi que les marques de ces organisations deviennent aussi inspirantes.

Enfin, ces « Massive Transformative Purpose » répondent aussi au besoin de sens qui se développe, notamment parmi les générations Y. On ne cherche pas seulement à satisfaire un besoin, on veut que cela ait un sens (pour moi, ma vie, la planète). Ces MTP et leur inspiration y répondent.

Cela ne concerne pas que les entreprises et les organisations en fait. Chacun peut aussi se fabriquer son MTP personnel.

Alors, Monsieur le Directeur de l’Innovation empêtré dans vos histoires de gouvernance, de thématiques, et d’outils ?

Think Big !

Quel est votre « Massive Transformative Purpose » ?

On en parle ?

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