Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.
D'un côté des nouvelles entreprises simplifiant un nombre croissant de services, de l'autre des exclus de l'emploi qui trouvent ainsi une activité, un travail alternatif. La multiplication des startups sur le modèle d'Uber secoue les acteurs précédemment en place et pose des questions aux politiques. Que deviendra cette transition accélérée ? Il est clair qu'actuellement le bateau tangue et que l'économie prend l'eau…
La fameuse "ubérisation" de l'économie est née du développement de plateformes numériques et de l’essor du travail à la demande qui permet à tout un chacun de trouver des sources de revenu. A priori, c'est une combinaison positive de la puissance des outils technologiques et de l'envie ou du besoin d'indépendance des plus jeunes notamment. Comme le dit Cyril Masson, dans son article “Peut-on tout ubériser ?” : “Uber mise sur sa capacité à donner du travail à une population qui en est exclue, ce qui est très positif, mais qui lui permet aussi de contracter ses prix de manière unilatérale pour satisfaire toujours plus de clients, au risque de contracter jusqu'aux limites du possible les revenus des chauffeurs eux-mêmes”.
En début de mois, Denis Jacquet, président de Parrainer la croissance et co-fondateur de l’Observatoire de l’Ubérisation, était venu témoigner dans sa keynote au second Biznext Bordeaux, organisé par La Tribune. Tout en reconnaissant que les citoyens en ont assez des rentes et aspirent à devenir de plus en plus libres dans leur travail, il constate un fort rejet des géants du numérique en abus de position dominante, souvent appelés barbares ou prédateurs. Ces entreprises “qui n'ont plus ou presque de salariés et qui captent la valeur créée par d'autres” se construisent en marge des lois ou en les contournant, ce qui "ne peut plus durer".
Le plus curieux est qu'Uber et consors perdent de l'argent, tel Deliveroo, capable de lever 200 millions d'euros depuis sa création mais toujours pas rentable. Certaines plateformes ont fermé, à l'image de Take Eat Easy, en redressement judiciaire, après avoir dilapidé beaucoup d'argent en marketing pour gagner très vite des clients. Paradoxe de cette économie dite collaborative mais pleinement capitalistique, car il faut bien de l'argent pour développer les plateformes, acquérir des clients et devenir numéro 1, comme d'autres avant eux, Google par exemple.
Si on ne veut pas que les "Uberisés" et les auto-entrepreneurs tombent à l'eau, il faut, comme le préconise l’Observatoire de l’Ubérisation, "une nouvelle forme de capitalisme, plus juste car redistribuant mieux les richesses, et plus apaisé.". On ne peut pas ignorer le phénomène comme les politiques avec un certain temps de retard. On ne peut pas s'y opposer, car la dynamique est là. On ne peut que réguler, accompagner, améliorer, corriger les excès. Il n'y a pas de raison de ne pas y arriver, quand on voit les progrès qui ont pu être réalisés avec la sécurisation du portage salarial pour les prestataires de services intellectuels. Les auto-entrepreneurs n'ont évidemment pas vocation à devenir salariés via des tiers de confiance, mais une couverture sociale améliorée est sans doute souhaitable.
Lire également “Ubérisation : l’urgence d’apporter des solutions aux indépendants”