Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président fondateur de PMP et fondateur de Youmeo
C’est une entreprise, une grande, qui a été tellement rentable et riche, que l’on n’y regardait jamais le niveau de cash, on en avait plein. On se focalisait sur la « rentabilité sur capitaux investis ». On, n’avait jamais assez de projets pour dépenser tout le cash, tout projet d’investissements était accepté. Le slogan en vogue c’était « Go for volume ».
Alors, quand la rentabilité commence à décroître, d’abord doucement, on commence à s’inquiéter un peu dans le comité exécutif, mais pas trop. Et puis ça s’accélère. L’environnement change, et tout change.
Le dirigeant de cette entreprise que je rencontre, racontant cette histoire, la sienne (il est arrivé à la tête à peu près à ce moment-là), celle de son comité exécutif, a alors eu à passer d’un management qui donnait la priorité aux volumes, à un management qui doit donner une priorité aux coûts.
Il raconte cela comme un conte. Le conte de la refondation raconté par le PDG.
On commence par « un plan d’économies », un gros forcément. C’est à ce moment que le Groupe s’aperçoit que ces économies potentielles existent, avant on n’y pensait jamais. Pour le PDG, innover pour trouver des économies, des synergies dans la mutualisation des fonctions support par exemple, cela devient tout d’un coup possible. Il nous le dit : « On innove plus et on change quand on va dans le mur, pas quand tout va bien ».
Pour mener ce plan d’économies, il ne va pas trop parler de baisses d’effectifs, cela se fera sans trop de communication, pour « ne pas casser l’interne », d’autant que les coûts dans cette entreprise ne sont pas majoritairement des coûts de main d’œuvre.
Ce que fait le PDG dans cette situation : « il donne le tempo, il impose le rythme ». C’est ainsi qu’il va planifier à l’avance les échéances, les points d’étape, comme une destination tracée à l’avance. Pour lui, pas d’improvisation, on connaît pour les années à venir les dates des comités de pilotage et des réunions de décision, à tous les niveaux, qui vont trancher, relancer, influencer.
C’est la première brique de la refondation.
Mais cela ne suffit pas bien sûr à créer le collectif.
Une deuxième brique est lancée en parallèle : donner de la vision. C’est un exercice conduit collectivement dans toute l’entreprise : Où va-t-on collectivement ? Où veut-on emmener l’entreprise ? Et même : Qu’est-ce que sera notre entreprise dans 20 ans ?
C’est cette dimension qui va donner la vision, ce qu’il appelle « la respiration positive ». Pour cet exercice il va mobiliser des milliers de personnes, soit 10% des effectifs du Groupe.
Pour lui, c’est ce qui va créer le mouvement. Car il n’aime pas le mot « transformation » : « On ne transforme pas un grand Groupe, on ne peut que le mettre « en mouvement », mais pas le « transformer » complètement. Car un grand Groupe a aussi sa culture.
C’est la troisième brique, qu’il lance après deux ans de ce mouvement de refondation. Et cette brique a consisté à écrire les valeurs du Groupe ; il y en aura cinq, et elles seront communiquées en interne comme en externe.
Et puis, pour satisfaire la vision et les valeurs, on ne va pas parler que d’économies. Il faut aussi réfléchir à des choses nouvelles. C’est la nomination d’un CDO (Chief Digital Officer), la création d’un incubateur interne, d’un fonds de start up. Pour lui, toutes les initiatives de ce genre sont de bonnes choses, même si elles ne suffisent pas à résoudre tous les problèmes d’un grand Groupe à elles-seules.
Alors, pour poursuivre la refondation, il a une autre idée, c’est pour cette année : il lance le chantier de la simplification. Un grand Groupe accumule au fil du temps de plus en plus de complexité, à commencer par les reportings à l’intention du PDG et du COMEX, qui ont été enrichis et complétés en fonction des PDG successifs, mais on n’a jamais rien supprimé, en ignorant toute l’énergie et les heures de travail humain qu’ils nécessitent pour être produits et diffusés.
Il raconte cette histoire comme s’il décidait tout tout seul, lançant les projets comme bon lui semble.
C’est un peu ça, finalement, car il reconnaît que « quand on est PDG, on n’a pratiquement aucun contre-pouvoir ; On doit se les créer tout seul ».
Alors, il s’est trouvé un administrateur à qui il raconte tout ce qu’il fait pour qu’il challenge toutes les décisions qu’il prend ou qu’il va prendre.
Pour le PDG la refondation en quelques mots c’est donc : Planifier scrupuleusement et sans hésiter les étapes du changement, donner la vision, faire travailler collectivement le maximum de personnes sur « Que sera notre entreprise dans 20 ans ? », écrire quelles sont nos valeurs et les communiquer, simplifier, et se créer les contre-pouvoirs.
De quoi en inspirer d’autres, et pas que les PDG des grands Groupes.