Un job ou une carrière ?

Martingilles Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP

Quand on parle de son activité professionnelle, on pense à son « job ». Quand on est dans une entreprise de conseil, on est consultant, ou bien on parle de sa position : consultant senior, manager, Associate, Directeur,…Les entreprises savent inventer les noms qui vont bien, certaines se spécialisent dans des listes incroyables, qui permettent de faire croire à chaque collaborateur qu’en changeant de position (passer de consultant assistant à consultant analyste), il progresse.
Pourtant, cette succession de titres et de « jobs » masque une notion, que certains pourraient trouver désuète : la carrière.

C’est vrai que, pour celui qui cherche un emploi, c’est déjà bien de trouver un « job », alors une carrière…. Ne rêvons pas.

Et pourtant l’entreprise, le lieu de travail, où l’on ne trouve que des « jobs » et pas de carrière sont souvent, surtout dans le secteur du Consulting, des endroits qui atteignent rarement l’excellence. Cette affaire est d’autant plus importante que le métier de consultant n’est pas, pour la plupart de ceux qui s’y engagent, un métier que l’on fera toute sa vie professionnelle. Ceux qui le poursuivront avec succès connaîtront de nouveaux métiers : celui de développeur, celui de manager d’équipe, celui de dirigeant d’une unité ou de l’ensemble d’un cabinet de conseil, dans une partnership, ou dans une structure plus corporate. Mais, pour de nombreux cas, ils passeront à l’opérationnel ; il suffit de constater dans les entreprises le nombre de ce que l’on appelle « anciens consultants » à des postes de management ou de direction.

Et ces mouvements sont importants, et très surveillés par les cabinets de conseil, car, souvent, les missions viendront des anciens du cabinet qui sont passés à ces postes opérationnels dans les entreprises.
C’est pourquoi il est important, pour le collaborateur comme pour les dirigeants d’une entreprise, notamment de conseil, de proposer, de s’occuper, non pas des jobs, mais des carrières. Au point que l’on pourrait considérer que celui qui se présente dans un cabinet de conseil pour trouver un « job » plutôt qu’une carrière, ne devrait peut-être pas y être embauché si l’on veut maintenir un niveau d’excellence dans l’entreprise.

Cette notion de carrière, ce n’est pas facile d’en parler aujourd’hui, dans un monde où tout a l’air de se passer au jour le jour, dans un environnement imprévisible, où l’on n’arrive plus à prévoir, ni à promettre : comment promettre l’emploi, l’évolution, alors que l’entreprise vit chaque jour dans l’incertitude ? Dans le conseil, les cycles de vente et de production sont très courts, il faut sans cesse vendre de nouveaux contrats, ouvrir de nouvelles opportunités, pour maintenir l’entreprise pérenne et la développer. Alors, la carrière des consultants…Certains pourraient être tentés de la résumer par : « Tais-toi et rame ! ».

Et pourtant.

Parler de carrière, plutôt que de « job », c’est parler des compétences clés et des comportements que le collaborateur va apprendre, et veut apprendre, et qui lui serviront, comme des fondations, dans toute sa vie professionnelle. Cela suppose de savoir maintenir l’envie de toujours acquérir de nouveaux savoirs, de nouvelles méthodes. Pas nécessairement des savoirs comme quand on était à l’école, mais des choses que l’on apprend sur le terrain, confronté à la vraie vie des missions. Apprendre aussi des rencontres que l’on fait, ces personnes qui croisent notre chemin, qui nous surprennent, qui nous séduisent, qui nous agacent parfois, mais nos réactions, nos émotions nous apprennent aussi. Comme le titre d’un ouvrage de Françoise Dolto, « Tout est langage ».

Et puis ces rencontres, ces expériences qui chaque jour nous apprennent, elles sont aussi la matière première pour fabriquer deux ingrédients essentiels d’une carrière professionnelle (d’une vie aussi) que l’on va dire « réussie » : le rêve et le « fun ».
Accepter de nouveaux challenges, se donner de nouveaux défis, et les réussir, c’est apprendre, c’est poursuivre son rêve, et c’est enthousiasmant. C’est comme une roue de la fortune qui tourne. Et puis les échecs, les erreurs, nous apprennent aussi, et vont parfois aussi nous permettre d’apprendre plus vite, de repartir vers des défis nouveaux.

Alors, la carrière, c’est regarder son parcours avec ce regard, c’est projeter devant soi des choix, des objectifs personnels, des espoirs ; c’est se préparer à des scénarios, c’est, confrontés à des choix (de changement de métier, de changement d’entreprise peut-être un jour), ne pas être désarçonnés, ni soumis aux choix de « jobs » que les autres feront pour nous, mais rester le maître et le cocher de son propre destin. C’est diriger sa vie professionnelle en en restant le maître. C’est prendre des risques en conscience, parce que l’on veut vivre d’ambition ; et à d’autres moments savoir rester prudent.

Mais rester maître de sa carrière, c’est en premier lieu s’installer dans une confiance en soi, en ses talents, en ses capacités, qui vont nous donner cette envie de risques maîtrisés, cette volonté et cette capacité de puissance, qui nous mèneront loin.
Inversement, ceux qui passent de « jobs en jobs », qui cherchent des jobs avec un critère de « sécurité », ceux là s’installent souvent dans la peur ou vont rechercher dans leur parcours professionnel des luttes de pouvoir, des manifestations de leur Ego. Ceux là sont les victimes de cette évolution chaotique, qui marche un certain temps (le pouvoir, les honneurs) et un jour disparaissent, parfois avec fracas, et tout est cassé : plus de « job », on ne sait plus quoi faire, ni où aller, on a perdu le contact avec soi-même.

Alors, dans le métier du conseil, comme dans d’autres (tous ?), penser « carrière », « parcours » c’est sûrement la meilleure garantie pour éviter de perdre son job et ses rêves.

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