Par Jean-Philippe Martinez (chroniqueur exclusif) – Concepteur du blog : www.capitalsocial.fr, Consultant INTERFACES, Directeur Pépinière d'Entreprises EOLE & Directeur Pépinière d’Entreprises INNOVEUM
Dans la démarche de création d’une entreprise innovante se pose souvent la question de la pertinence d’utiliser les services d’un leveur de fonds, c'est-à-dire un professionnel qui va vous accompagner sur toutes les démarches.
Je vous propose de faire le point sur cette question.
. Une sélectivité extrême des sociétés de capital risque qui penche en faveur d’un accompagnement :
Dans le cadre d'une levée de fonds en phase d'amorçage le recours à un intermédiaire spécialisé semble indispensable.
Dans la chaîne du financement de la création d'entreprise le parent pauvre reste sans contexte le financement des dépenses de faisabilité technologique et commerciale. Cette étape est cruciale puisque l'entrepreneur cherche des fonds pour finaliser son produit, pour concevoir le prototype voire déposer un brevet…. et ce 1 à 2 ans avant de lancer véritablement la phase de commercialisation et de production.
Cette phase très risquée est peu appréciée par les sociétés de capital investissement qui préfèrent financer des entreprises "matures" (capital développement) ou des opérations de transmission (capital transmission).
Ce faisant combien y -a – t 'il véritablement de projets financés en phase d'amorçage ? 20,30,40,… moins de 100 probablement. Rapporté au nombre d'entrepreneurs en quête de financement, 500, 800 probablement plus de 1 000, la probabilité de réussite est faible.
Compte tenu du niveau d'exigence des sociétés de capital risque, un professionnel intermédiaire n'est pas du luxe. Notons que ce professionnel peut être un consultant, un chargé d’affaires au sein d’une pépinière d’entreprises ou d’un incubateur…enfin toute personne disposant d’une compétence avérée en la matière.
Pour en savoir plus sur le processus de sélection des capitaux risqueur cliquer sur : Vidéo Exclusive: Une présentation de la société de capital risque 3I
. Vous devez apprécier votre leveur de fonds et vice et versa :
Si la sélectivité des sociétés de capital risque pousse à l’agrégation de plusieurs cerveaux pour augmenter les chances de réussite, de votre côté vous devez être également sélectif dans le choix du leveur de fonds.
En effet, le cheminement pour arriver au bout d'une levée de fonds est long (entre 6 mois et un 1 an en moyenne) . Vous allez passer beaucoup de temps avec le leveur de fonds que ce soit en face à face ou au téléphone. Mieux vaut donc bien s'entendre.
Ce serait une erreur de considérer que faire appel à un leveur de fonds permet de sous-traiter cette activité… pour réussir, une véritable "co-production" doit exister entre vous et le consultant.
A titre personnel pour ce type de mission je refuse élégamment toutes les propositions de collaboration où il n'y a pas de "feeling". Difficile d'imaginer devoir passer au minimum 15 jours temps plein sur le projet (sur une durée totale de 6 mois minimum), de converser au téléphone avec l'entrepreneur au minimum deux fois par semaine, de mener des séances de formation/préparation…si le courant ne passe.
Je vous rassure il y a des missions que je mène et pourtant je n'ai pas forcément d'atome crochus avec le client. Ce sont des missions où la technicité et le savoir -faire dépendent moins du client.
Dans une levée de fonds on "vend" l'entrepreneur et le projet. Sans des ingrédients de qualité et quelque soit la compétence de l'intermédiaire l'issue sera négative.
Par contre lorsque l'on mène des missions plus techniques comme…:
– le rachat d'entreprise (sans conservation du fondateur),
– l'étude d'impact d'investissement lourd au niveau commercial, financier et fiscal,
– une étude d'opportunité de création d'une pépinière d'entreprise…
… on peut tout à fait s'exonérer d'une empathie amicale.
. L'intérêt de la prescription pour lever des fonds
Lors des séminaires de formation que j'ai la chance d'animer pour des créateurs d'entreprises qui cherchent des fonds auprès des capitaux risqueurs se pose chaque fois la question suivante : quel est le meilleur moyen de contacter un chargé d'affaires ?
Et à chaque fois je réponds: être prescrit par une personne qui pourra appuyer votre projet et disposera d'un relationnel particulier avec la société de capital risque considérée.
Il arrive quelques fois que mes interlocuteurs prennent du recul par rapport à mes propos…ce qui peut être compréhensible car menant des missions de coaching dans ce sens (de moins en moins d’ailleurs), on peut légitimement considérer que je parle pour ma propre paroisse…
Maintenant je suis sauvé, ma parole ne pourra plus être mise en doute, mon honneur et celui de ma famille est sauvé…
En lisant les quelques lignes suivantes vous comprendrez pourquoi:
Connaissez vous la société de capital risque Idinvest Partners ?
Il est probable que son nom vous soit inconnu par contre vous connaissez forcément les entreprises qui ont été financées: Meetic, Viadeo ou Dailymotion
La sélectivité de leur équipe est extrême avec comme objectif: financer les leaders de demain.
Dans une interview dans l’entreprise.com on apprend que chaque année la société de capital risque reçoit environ 300 dossiers, une centaine de créateurs auront la possibilité de présenter leur projet lors d’un entretien et au final 6 ou 7 seront financés.
Ainsi Idinvest Partners finance 2% des projets qu’ils reçoivent….Je parlais de sélectivité au début de l’article CQFD…
A la question comment vous contacter ? Benoist Grossmann Directeur Général d'IdinvestPartners répond :
Les porteurs de projet qui souhaitent présenter leur dossier doivent être prévenus : envoyer par courrier ou par mail un document, aussi bien ficelé soit-il, ne sert à rien.
Pour avoir une chance de décrocher un rendez-vous avec un associé d'Idinvest, une seule approche judicieuse : Elle consiste à se recommander d'une personne favorablement connue de notre équipe. Nous accordons la plus grande attention aux gens qui nous contactent de la part d'un entrepreneur que nous avons accompagné.
. Lever des fonds c’est également de la technique et du savoir faire
On peut parler d’un véritable processus amenant à la levée des fonds, avec ses codes, ses pratiques, des supports à réaliser (Business plan qualitatif, un executive, prévisionnels financier, des notes intermédiaires), des auditions à manager….
C’est également une aide :
– Sur la valorisation de l’entreprise et donc du degré de dilution des fondateurs
– Sur le choix des différents instruments financiers (outils à dilution immédiate ou différée)
Ces savoir techniques apportés par le professionnel permettront à l’équipe de se concentrer sur d’autres problématiques liées la création ou du développement.
. Le leveur de fonds : un économiseur de temps
En effet un leveur de fonds peut vous faire gagner beaucoup de temps à deux niveaux :
– En vous aidant à réaliser les supports de présentation, présélectionner les fonds, gérer la logistique organisationnelle (prise de rendez-vous…)
– Mais également en vous alertant sur la perte de temps qu’il y aurait à poursuivre les rounds ou contacts avec la société de capital risque ou d’ailleurs des business angels ( lire : Les business angels sont ils les anges des affaires?).
A mon sens il existe un problème récurrent avec de nombreux acteurs de la filière : pour certains une incapacité subie ou volontaire de ne pas dire non à un projet, doublée d’un savoir faire particulier « pour jouer la montre »…
Entre un chargé d’affaires qui vous reçoit pour augmenter ses statistiques de contacts en fin d’année et un créateur qui veut absolument tout voir en rose, qui veut positiver absolument cette audition qu’il vient de passer, il est toujours bon d’avoir à ses côtés quelqu’un qui analyse à froid le comportement du chargé d’affaires pour passer rapidement à un autre et ne pas attendre un accord qui ne viendra pas.
Combien de créateurs, faute d’avoir su capter les petits signaux négatifs des capitaux risqueurs, ont attendu le positionnement des deux ou trois en courses…pour en fin du fin avoir une réponse négative et avoir perdu de nombreux mois car dans l’intervalle ils avaient stoppé les démarches ou alors poursuivi mais avec beaucoup moins d’entrain puisque persuadés que cela allait aboutir.
Le leveur de fonds n’est pas un être extraordinaire qui détecte ce que le commun des mortels ne voit pas. Seulement il est difficile d’être acteur et spectateur à la fois.
Lors d’une audition vous êtes acteur de votre projet, acteur de votre discours…alors que le leveur de fonds est en retrait et forcément n’assiste pas au même spectacle…
D’ailleurs lorsque l’on fait un débriefing il n’est pas rare qu’il y ait des divergences d’analyses entre l’entrepreneur et le leveur de fonds.
. Combien cela coute un leveur de fonds :
Concernant la rémunération des leveurs de fonds, celle-ci comprend généralement deux composantes:
. L'aide à la conception ou à la refonte du business plan.
Notons qu'à mon sens le business plan (BP) type n'existe pas. Un business plan sera conçu différemment selon qu'il soit destiné à OSEO, à un Conseil Régional ou à un capital risqueur.
Les attentes de ces 3 organismes étant différentes le Business plan mettra en lumière des points particuliers.
La fourchette de prix peut être "assez délirante" puisque selon les cabinets cela va de 5 000 euros à 30 000 euros.
L'accompagnement à la levée de fonds (préparation des entretiens, négociation des modalités d'entrée, étude du pacte d'actionnaire…). La rémunération est en générale de 5% jusqu'à 150 000 euros, puis le pourcentage diminuera en fonction du montant recherché.
. Un leveur de fonds peut être également le diable…
En effet un professionnel qui a une rémunération basée sur un pourcentage des fonds levés pourrait être tenté de vous faire augmenter le montant recherché.
De même le degré de dilution peut être secondaire pour lui, l’important c’est que la transaction soit réalisée. Que le balancier des avantages penche plus du côté acheteur d’actions (la société de capital risque) ou du vendeur d’actions ( votre entreprise) qu’importe, l’important c’est que la transaction ait lieu.
De plus un professionnel qui travaille souvent avec une société de capital risque par nature dispose d’un excellent relationnel mais quid de son indépendance ?
Sachez qu’au niveau bancaire il est possible pour un intermédiaire consultant de percevoir une commission sur les clients apportés…Vous souhaitez emprunter 500 000 euros auprès d’une banque, peut être que le consultant qui vous va vous accompagner et vous « chanter les louages de telle banque » pense à la commission qu’elle va lui verser.
A ce jour je ne peux pas affirmer que cette pratique existe également avec les capitaux risqueurs.
Pour ceux qui douteraient de ma neutralité dans cet article malgré ce dernier paragraphe plutôt gris foncé il est à noter que depuis 3 ans je ne réalise que très peu de coaching en levée de fonds…
J’en accepte quelques uns lorsqu’il y a un feeling certain avec le dirigeant et que cela va permettre d’alimenter les séminaires de formation liées au capital risque réalisés exclusivement auprès de dirigeants en quête de fonds ou des chargés d’affaires d’incubateurs, pépinières, chambres consulaires…