Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) – Consultant, Délégué Régional du Groupe ITG
Quelle que soit la motivation de départ, j'observe chez les créateurs d'activité solo le besoin, l'envie ou la disposition naturelle à travailler avec d'autres personnes, à ne pas être solitaire. Solo ne veut pas dire isolé. Solo traduit simplement une unité économique élémentaire, pour démarrer son activité simplement. Comme d'habitude, je parle de prestations intellectuelles, pas d'activités commerciales ou de production de biens.
Pourquoi ce besoin de développer son activité, sans rester isolé ? D'abord, une question de décollage : peu de professionnels réussissent à lancer leur activité sans des échanges avec d'autres personnes. Qu'il s'agisse de tester leur idée, de cibler leur marché, de finaliser leur offre de service, tous les échanges avec des amis, des anciens collègues, des contacts réseau et autres prescripteurs ou clients potentiels, amènent un retour plus que salutaire. Ensuite, c'est une question de survie : comment fonctionner sans échange avec ces mêmes interlocuteurs ? Comment maintenir ou développer son savoir-faire, sans se confronter aux autres, sans participer à des formations, des partages de pratiques entre pairs ?
Une bonne partie des solos me parle aussi d'une envie de socialiser, de retrouver les échanges de l'entreprise — pour ceux qui en viennent —, c'est-à-dire un minimum de relations interpersonnelles. On peut déclencher ou prolonger des relations, poser des questions ou obtenir des réponses via un réseau virtuel (Viadeo ou autre). On peut faire la même chose dans la vie réelle — en mieux le plus souvent — avec nos contacts bien vivants, et avec nos défauts bien humains. Pour certains, on est plus proche du besoin de reconnaissance, pour d'autres du besoin d'amour, un des nos moteurs les plus puissants, peut-être le principal, voire le seul !
Et puis, il y a également une envie de progresser, d'apprendre, d'élargir son champ d'action, son offre de service ou sa base client. C'est ici que le travail du réseau se révèle indispensable. Sans action répétée, régulière dans toute la mesure du possible, sans apport à son réseau, le créateur d'activité solo assèche très vite les sources d'information très utiles pour rebondir, anticiper les périodes creuses, communiquer indirectement, y compris avec ses confrères.
Enfin, d'autres solos me parlent de cette nécessité — pour eux — de coopérer, de partager, pour satisfaire un besoin d'innover, de se dépasser. C'est là que se retrouve l'envie de s'associer avec d'autres, comme pour les créateurs d'entreprise "multi-personnelle", mais aussi par exemple cette volonté d'établir des partenariats ponctuels, de développer des offres à deux ou trois, de se serrer les coudes à deux, pour ne pas être seul devant un client.
L'intérêt des créateurs qui utilisent, par exemple, les services des grands du portage salarial est patent : ils y trouvent ou retrouvent de la convivialité, un réseau, des occasions de rencontres, de formations, de conférences, de mises en relation, d'apports croisés de missions, que les simples transformateurs d'honoraires en salaires ne peuvent, ne savent ou ne veulent faire.
Humaines, bien humaines toutes ces réactions !! Les créateurs d'activité solo ne sont pas — sauf exception — des solitaires ; ceux qui le sont risquent d'être complètement isolés, d'ailleurs. Et on voit, lors de nos formations internes (chez ITG), des prestataires mono-clients ou sous-traitants d'une seule société de service, conseil ou formation, qui souhaitent revenir vers la civilisation (si j'ose dire) pour démarrer un réseau ou réactiver celui qu'ils avaient auparavant.
Au fond, tout ceci me fait penser à notre bon vieux Maslow, avec sa "pyramide des besoins" : je parle des besoins psychologiques, bien entendu, pas des physiologiques. Le créateur d'activité solo ne cherche pas forcément la sécurité à tous prix, surtout au départ lorsqu'il est mû par un besoin d'indépendance. Pour autant, ceux qui n'ont pas une offre totalement distinctive, avec peu ou pas de concurrence réelle, montrent cette soif de sécuriser leur activité. Et puis il y a ceux qui, très vite, vont sentir que leur "business" est moins rémunérateur que ce qu'ils avaient cru ou observé au départ.
Au delà de ce besoin de base, le solo cherche également le partage, l'avis de collègues. Mais il lui faut en même temps cette indépendance d'esprit et de jugement qui alimente son moteur et satisfait l'estime de soi. Et, par delà tous ces besoins, le créateur solo cherche à se réaliser, à s'éclater, à la fois épanoui et éternellement en recherche de nouveaux défis.