Par Nicolas Tranchant (contributeur exclusif) – Vivalatina
La nouvelle loi sur le code du travail votée en Septembre dernier par les députés mexicains a eu l'effet d'une bombe. Largement critiqué par le parti des travailleurs
et les syndicats, il remplace un texte datant des années 70 et qui n'était plus d'actualité pour l'économie mexicaine.
Appauvrissement des travailleurs ?
Cette réforme du code du travail fait peur à tous les travailleurs, car la modernisation comprend une limitation du droit de grève, un cadre légal à la sous-traitance
et à la prestation de services et surtout des contrats précaires et pouvant être payé 7,5 pesos de l'heure (60 pesos/jour). Il est évident que la précarité de l'emploi
et les faibles salaires n'ont rien pour enchanter les employés et les rassurer sur l'avenir. Il est clair qu'en France, une telle réforme aurait mis 100% des employés
dans la rue pour faire tomber à l'eau une telle réforme.
Une réforme nécessaire
L'ancien texte du code du travail datant des années 70 n'était plus adapté au tissu économique actuel. Que ce soit pour la gestion du travail, des indemnités, des conflits
entre employés et patrons ou bien le droit des ouvrières ou encore les congés de paternités, le nouveau texte abordent ces questions en octroyant des droits clairs aux
employés. En ce sens, cette réforme est synonyme de modernité pour les deux partis. Il n'en reste pas moins que ce sont les ouvriers non qualifiés qui vont le payer
de leur poche. Il faut remarquer aussi que l'employeur est soumit à un certains nombre d'obligations nouvelles.
Un constat économique préoccupant
Le Mexique est une puissance économique en croissance constante depuis longtemps et qui se remet plus vite de la crise de 2008 que bien des pays. Cependant, un bilan
de la situation actuelle laisse entrevoir des facteurs mettant à risque l'avenir économique du pays. La crise de 2008 a servit d'électrochoc, avec la perte de 700 000 emplois, le pays a subit de plein fouet les effets du ralentissement de l'économie mondiale. De plus, depuis 10 ans, un millions de personnes arrivent chaque année sur
le marché du travail et le flux migratoire vers les Etats-Unis ne fait que baisser. Par conséquent c'est un véritable challenge pour les dirigeants que de s'assurer que le
marché de l'emploi puisse absorber un tel flux de nouveaux travailleurs.
Autre indice préoccupant, le taux d'emplois informels est de 29,35% et pourrait dépasser les 50% si aucune mesure n'était prise. Inutile de préciser que ces emplois
ne respectent aucun code du travail ancien ou nouveau. A l'échelle mondiale, l'indice de compétitivité du Mexique est évalué en position 58 sur 142 pays, dépassé par le Brésil, l'Inde et la Chine. Pour ce qui est de l'efficacité du marché du travail, la position du Mexique n'a fait que reculer au cours du dernier mandat présidentiel.
Tous ces indices laissent présager que l'attentisme politique serait un suicide économique. Le Mexique n'ayant aucun système de sécurité sociale, une augmentation du chômage (qui est aux alentours de 4% actuellement, soit 2,4 millions de personnes) pourrait être très rapide avec des conséquences graves pour un pays de 115 millions d'habitants.
La stratégie de développement économique
Cette réforme doit permettre de faire chuter le taux d'emplois informels et remédier aux risques évoquer plus hauts, rendre le marché du travail flexible pour qu'il réponde aux besoins des travailleurs, syndicats et patrons et attirer les entreprises étrangères afin de créer les emplois nécessaires, beaucoup d'emplois. Le prix à payer est la flexibilité pour l'employé et un salaire potentiellement très faible. Le changement pour l'employé informel est alors non pas au niveau du salaire mais de la reconnaissance de ses droits.
C'est une stratégie sur le long terme, la même que celle employée par la Chine il y a 25 ans maintenant. Assurer un taux d'emploi fort en sacrifiant les salaires pour générer des richesses au niveau national. Le seul atout des ouvriers est alors que le marché de l'emploi soit si florissant que les salaires grimpent d'eux mêmes pour attirer
les employés dans les entreprises. C'est ce qui se passait déjà avant la crise dans les zones industrielles de la frontière nord dans les maquiladoras.
L'exemple de la Chine nous montre aujourd'hui que ce choix a été payant, au prix du sacrifice des employés. Mais aujourd'hui, la population aisée chinoise est aussi nombreuse que l'Europe et l'augmentation du coût de la main d'oeuvre pousse déjà certaines entreprises à se relocaliser aux portes des Etats-Unis: au Mexique.
et la France ?
L'exemple Mexicain est intéressant puisque les réformes prises sont totalement à l'opposée de notre culture du travail. Nous sommes tous de nature à critiquer l'exploitation par le travail et à nous indigner de mesures aussi capitalistes. Cependant il faut constater plusieurs choses, les mexicains sont maintenant nos concurrents directs, ils travaillent plus et pour moins cher. Cette réforme ne portera pas préjudice aux 29% de population active informelle qui n'a actuellement aucun droit. Déterminer un salaire horaire plancher n'empêchera pas les salaires d'augmenter si le marché de l'empoi si prète, et enfin qu'est-ce qui va maintenant empêcher le marché de l'emploi de décoller au Mexique? rien. C'est un pari sur l'avenir en prenant pour exemple un cas concret: la Chine.
La France et le Mexique, deux cultures très différentes et deux conceptions très différentes du développement économique. Le Mexique est pressenti pour prendre la place de huitième puissance économique mondiale en 2050 et multiplié le revenu moyen par habitant par un facteur 3,5.