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Vendre du temps de cerveau disponible ?
Par Eric Dupin – Concepteur web indépendant
Non, je ne vais pas vous refaire
la sortie de Patrick Le Lay sur la meilleure façon de vendre du Coca-Cola !
Plus prosaïquement, je veux vous parler, toujours dans le fil de cette réflexion, d'une autre problématique récurrente dans les métiers dits "intellectuels" : quand et où commence notre prestation, et quand finit-elle ?
Je suis confronté régulièrement à cette question, à laquelle j'éprouve quelques difficultés à apporter un début de réponse.
De quoi parlons-nous exactement ?
Mettons que je sois chez un client qui souhaite mettre en place une nouvelle version de son site web. Qu'il soit déjà client (si nous avons réalisé la version actuelle) ou pas importe peu.
Le client expose sa vision de la nouvelle version du site, et il s'avère qu'il va falloir repartir d'une feuille blanche – ce que je préfère de loin à toute autre forme de compromis – tout en conservant le contenu actuel. Le client s'interroge également sur le positionnement très moyen dans les moteurs de recherche et sur la fréquentation insuffisante de son site.
Bref, y a du taff et on va pas se plaindre.
Mais il faut que ce travail rapporte, qu'il soit rentable et profitable pour les deux parties.
Que proposons-nous ?
Si je veux faire un travail sérieux et professionnel, avant même de proposer un devis, il faut à minima (et à fortiori si le site a été réalisé par une autre agence) que je regarde le site actuel, si possible en détail, y compris le code-source, et même le cas échéant que je prenne contact avec le prestataire actuel (hum…) pour tenter d'obtenir quelques renseignements complémentaires.
Il faut également que je regarde ce qui cloche dans le référencement, et accessoirement que j'observe ce que font les concurrents, sur le web et dans le même secteur, leur positionnement, leur visibilité, le contenu valorisé dans leur site, etc…
Un travail préalable sur lequel je vais m'appuyer pour monter une proposition cohérente et intéressante.
Un travail d'audit, en fait.
Bien sûr, emportés par l'élan et la perspective toujours alléchante de traiter une nouvelle affaire, combinés à la passion qui nous anime tous normalement pour ce job, nous voilà partis dans l'analyse du bazar à peine rentrés au bureau (à bride abattue et la bave aux lèvres), à étudier compulsivement le site sous toutes ses coutures, les mots-clés dans le code, les…
STOP !
Première erreur : quand commence notre prestation, disais-je plus haut ? Et bien normalement elle a déjà commencé. Et cette prestation, c'est notre métier, notre gagne-pain. Or en commençant de la sorte, on dévalorise déjà notre futur travail en foulant au pied une potentielle source de revenus. Et accessoirement, de crédibilité.
Dans un monde idéal.
Sauf que…
Dans la vraie vie avec les vrais clients, cela ne se passe pas tout à fait comme ça. Qui n'a pas passé des heures à peaufiner une proposition et des maquettes en réponse à un appel d'offre sans aucune garantie d'être sélectionné ? Qui n'a pas déjà commencé à développer ou installer un bout d'application juste pour s'assure que ce qu'on va proposer au client tiendra la route, avant même d'avoir fait la première ligne de devis et alors qu'on sait être en concurrence avec trois autres perstataires ?
Hein ? Qui ? je vous le donne Emile : personne.
Ok, mais alors qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
Justement : je ne sais pas.
La question est : est-il possible de facturer le temps de réflexion préalable à la conclusion d'une affaire ?
Autrement dit, est-il possible de faire comprendre à un (potentiel futur) client que pour pouvoir lui faire une offre sérieuse et argumentée, nous allons devoir procéder à un audit détaillé de son site, de son environnement concurrentiel, de la pertinence des mots-clés à utiliser, de la stratégie webmarketing à mettre en place dans le contexte qui est le sien, que tout cela représente plusieurs heures, voire dizaines d'heures de travail de collecte et d'analyse d'information, puis de reporting si possible sous une forme attractive et compréhensible.
Où comment le webdesigner se mue en consultant, sans avoir pour autant la légitimité de facturer ce travail à sa juste valeur.
J'ai eu récemment le cas, avec un important organisme public avec lequel je suis en négociations avancées : étude du site actuel (300 pages), étude du positionnement, etc… J'étais lors du dernier entretien avec eux sous un feu nourri de questions informelles et anarchiques qui venaient sans qu'aucune réflexion n'ait été apparemment menée préalablement.
Pour la première fois, j'ai tout arrêté (poliment) et j'ai répondu en substance : Messieurs, je suis désolé mais je ne peux pas vous répondre comme ça, ce que vous me demandez là demande une véritable mission d'audit, ce que nous ferons avec plaisir, mais je dois vous proposer un budget pour cela.
J'ai été étonné de voir que mes interlocuteurs ne furent pas choqués par cette sortie, et semblaient en admettre même la légitimité.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : je suis toujours en contact avec cet organisme, mais d'audit il n'est plus du tout question.
Juste faire le site 😉
Frustrant, non ?
Et vous, quel est votre retour d'expérience sur la question ?