Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Depuis avril 2006, à raison d’une chronique toutes les deux semaines (sauf pendant les vacances estivales), je tente de vous faire partager quelques-unes des toutes petites choses que m’apportent mes diverses réflexions et expériences boursières.
J’en profite pour remercier notre hôte, Olivier Marone, qui me donne ici une tribune appréciable et appréciée. Un tout grand merci à vous tous, également, lecteurs anonymes et co-animateurs de ce blog qui me lisez régulièrement.
Ce fut une période véritablement extraordinaire à commenter : la fin d’une (trop) bonne période, puis la pire crise financière depuis les années 30 avant une remontée surprise des marchés.
En jetant un œil sur les « bafouilles » commises tout au long de ces mois passionnants, j’ai eu l’heureuse surprise de constater qu’elles pouvaient se regrouper en quelques grands thèmes qui me tiennent à coeur toujours aujourd’hui.
Passons-les en revue.
1. Battre la Bourse : oui, c’est possible !
C’est une des questions les plus débattues en finance de marché. Les partisans de l’efficience boursière affirment qu’il n’est pas possible de battre la Bourse autrement qu’en prenant plus de risque. Je ne suis pas d’accord, même si l’exercice n’est pas simple. Une approche basée sur le « value investing » (l’investissement dans la substance) permet à long terme de battre le marché, surtout si elle se concentre sur les petites capitalisations. J’y reviendrai lors de ma prochaine chronique.
2. Remettre en question les évidences
La Bourse est le lieu de toutes les évidences trompeuses. Parfois, elles sont tellement intégrées dans l’inconscient de l’investisseur qu’il est très difficile de les en déloger. Par exemple, si vous croyez qu’il y a un lien entre la croissance économique d’un pays et la performance de sa Bourse, détrompez-vous. Et si vous aimez les actions d’entreprises qui ont de fortes perspectives de croissance de leur part de marché, ce n’est pas non plus forcément une très bonne idée.
3. Fermer les portes
Corollaire du point précédent, progresser en Bourse passe par un apprentissage permanent et d’abord celui de la modestie. Ne croyons pas trop vite avoir découvert une vérité fantastique que nous pourrons appliquer, sans autre mise en perspective et hors contexte, à toute situation. Par contre, fermer une porte peut s’avérer plus intéressant. J’entends par là mettre en évidence et donc éviter à l’avenir les stratégies qui ne fonctionnent pas (à moyen/long terme) et les comportements aberrants qui font perdre de précieux pourcents de rendement.
4. Trier l’information
Le premier écueil auquel est confronté l’investisseur est la masse d’informations qui déferlent sur lui à tout moment. Il doit disposer d’un logiciel mental lui permettant d’effectuer un tri automatique : le génial théoricien du management Peter Drucker affirmait qu’une bonne organisation de l’information consiste à faire en sorte de percevoir rapidement ce qui est inhabituel. En d’autres termes, pour le sujet qui nous occupe, de repérer les bonnes opportunités. L’investisseur le plus aguerri ira lui-même chercher l’information, plus qu’il ne la subira. Et, pour éviter d’avoir à étudier inutilement des dossiers présentant peu d’intérêt (en terme de rendement attendu), il doit pouvoir effectuer une première approximation rapide de la valeur de cette action.
5. Plutôt le calme que le « bling bling »
En Bourse, tout ce qui luit n’est pas or. (Très) loin de là. Ne pas se laisser prendre dans les filets de l’effet de mode du moment (et, croyez moi, il y en a toujours un) est crucial. Celui qui se laisse griser par ce qui monte ne sera jamais celui qui en sortira au bon moment, à savoir … juste avant que cela ne baisse. Eviter toutes les fadaises médiatiques et demeurer dans des eaux plus tranquilles en appliquant une méthodologie éprouvée à ce qu’on a appris à (un peu) connaître grâce à l’expérience, est nettement plus conseillé.
6. Décider et après ?
Apprendre revient aussi à tirer les conséquences de ses erreurs. Ici, attention ! Il ne s’agit pas de constater a posteriori la performance (bonne ou mauvaise) d’une décision pour en tirer des conclusions hâtives sur la pertinence de cette décision. L’investisseur devra se remettre en pensée au moment de la prise de décision pour tenter de déterminer si, avec les éléments d’information qu’il connaissait à ce moment-là, il a pris la meilleure décision possible. Ensuite, en Bourse, il y a des décisions plus faciles que d’autres à prendre : par exemple, acheter est plus facile que vendre. Notamment, vendre une action dont le cours a baissé revient à admettre une erreur : l’égo en prend nécessairement un coup.
En Bourse comme dans d’autres domaines, le chemin est plus intéressant que la destination : on prend des coups, on teste sa résistance au stress, on connaît des moments d’euphorie (qu’il s’agit de contrôler) et de détresse (qu’il s’agit de surmonter). N’oublions pas l’essentiel, peut-être : on s’amuse aussi beaucoup à se confronter à tous les autres investisseurs !