Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Publié en 2004,
le guide « Investir en Bourse : Pour une stratégie gagnante à la
portée de tous » que j’ai co-signé avec mon collègue Pierre Samain (je
vous parle de ce guide de temps à autre tout en essayant de ne pas radoter)
commençait à prendre la poussière sur un rayon de ma bibliothèque.
Quand soudain …
… un vent
favorable (en fait, ma seule curiosité) m’a amené deux nouveaux éléments qui
semblent conforter assez substantiellement la thèse défendue dans cet ouvrage.
Quels
sont-ils ?
1 – Une étude publiée le 10 octobre
dernier, intitulée « The Surprising 'Alpha' from Malkiel's Monkey and
Upside-Down Strategies » et rédigée par les chercheurs américains Arnott,
Hsu, Kalesnik et Tindall, à partir de plusieurs décennies de données tant sur
les Bourses américaines qu’internationales, indiquait que la principale raison
du succès de certaines méthodologies quantitatives (par exemple, investir en
actions sur une base également pondérée ou encore investir dans les actions
faiblement risquées) était que les segments d’actions concernées à chaque fois
faisaient la part belle à deux catégories d’actions connues pour leurs vertus à
battre le marché : les actions de type « value » (considérées
comme bon marché sur la base de certains ratios comme le rapport entre le Prix
de l’action et la Valeur comptable des fonds propres par action) et les actions
de relativement faible capitalisation. Bingo : c’était le point de départ
du guide, à savoir que si vous voulez avoir une chance de battre la Bourse,
vous devez concentrer vos efforts sur ces deux catégories d’actions (plus
exactement sur les actions à la fois « value » et plutôt petites).
2 – Ensuite, toujours à partir
d’actions considérées quantitativement comme bon marché (cette fois sur la base
du rendement sur dividende), Andrew Lapthorne, un analyste de la Société
Générale, a affiné une méthodologie qui donne des résultats étonnants en
« back-testing » (à savoir lorsqu’il l’applique aux séries de données
boursières passées) : un rendement en euros de pas moins de 11,6% par an
sur les 20 dernières années, soit deux fois plus que la moyenne des Bourses
mondiales et cela, en prenant moins de risque ! Sur le Net, vous pouvez
retrouver son ETN (ainsi que sa composition régulièrement mise à jour) basé sur
cette méthode : SGQI (Société Générale Quality Income Index). Avouez que
c’est un résultat pour lequel vous auriez bien signé d’avance (en tous cas,
moi, oui !) … Comment fait-il ? Eh bien, à partir des actions
représentant une capitalisation d’au moins 3 milliards de dollars (pour éviter
les actions trop petites et donc peu liquides) et offrant un rendement annuel
sur dividende d’au moins 4%, il effectue une analyse qualitative de façon à
séparer le bon grain de l’ivraie. A cette fin, il vérifie que le
« business model » de l’entreprise est solide et qu’à tout le moins
il n’est pas en cours de détérioration, il étudie l’évolution récente des
fondamentaux, notamment en matière de rentabilité, d’endettement et de risque
(volatilité) à travers des indicateurs quantitatifs comme le score de Piotroski
et celui de Merton. Re-bingo, puisque dans mon guide, à partir d’une sélection
d’actions plutôt petites et « value », j’applique également une
batterie de tests, peut-être plus faciles à utiliser par le commun des mortels,
visant également à établir la qualité du dossier en présence.
Bien sûr, en
finance comme dans d’autres domaines, il faut éviter le « biais de confirmation »
consistant à ne considérer comme valables que les informations qui vont dans le
sens de ce que l’on croit juste a priori. Car la recherche financière est, sur
bien des sujets, constituée d’études qui se contredisent au moins
partiellement. C’est inévitable : malgré le vernis mathématique qui y est
appliqué, la finance garde toujours, en tant que segment de la
« science » économique, une
dimension humaine. Il n’empêche : ces deux éléments viennent à l’appui de
notre propre expérience d’analyste et entrent en écho favorable avec la
majorité des autres études parfois moins complètes ou moins empiriques.
En tous cas,
dans un domaine aussi mouvant que celui de la Bourse, il est rassurant et
plaisant de se dire que ce que l’on a écrit il y a déjà 8 ans garde toujours,
jusqu’à preuve du contraire, un gros fond de pertinence !