Et s’il fallait que je m’ennuie !

Par Kevin Straszburger (chroniqueur exclusif) – Ben & Fakto

Gérer son temps est un mantra pour tous les entrepreneurs. En effet, créer sa start-up, inventer son travail, façonner son quotidien ou peu importe comment nous le voyons, il n’empêche, le fait même de s’organiser est une tâche à part entière. Et je ne parle même pas de ceux qui doivent mener de front plusieurs emplois de temps : un job en parallèle, les enfants, ses parents etc… Pour preuve, il suffit de constater le nombre incroyable de logiciels de «to-do list», à croire que bien organiser son temps est le graal inatteignable de nombre d’entre nous.

L’ironie de l’histoire, et là j’ai l’impression que je ne suis pas le seul concerné, nous sommes jamais contents ! J’ai toujours l’impression de ne pas lire assez, de ne pas faire assez de sport, de ne pas voir assez ma famille… C’est d’ailleurs ici qu’on commence à parler de priorités. Quelle chose passe avant telle autre ?

Et je crois que nous avons tendance à en oublier une (de chose), une pourtant plus qu’importante : s’ennuyer. Oui je sais, c’est dur à lire comme ça. Après tout, nous n’avons déjà jamais le temps et moi je vous dis qu’il faut savoir s’arrêter pour s’ennuyer, bizarre diront certains. Pourtant je suis de plus en plus sûr des vertus de l’ennui (tout comme celles de la Sérendipité mais ça c’est un autre débat). La première, la plus immédiate : un regain évident de créativité. Or, arrêtez moi si je me trompe mais le propre d'un entrepreneur n'est-il pas d'être créatif, ou du moins inventif.

Un test simple. Nombre d'entre vous j'en suis sûr prend de temps à autre le train ou le TGV pendant au moins une heure. D'habitude, nous en profitons pour lire, pour écrire quelques mails, pour dessiner notre nouvel organigramme et j'en passe. Pour une fois, ne faites rien, regardez le paysage, rien d'autre (à part peut-être un peu de musique douce dans les oreilles). Vous allez voir, le résultat est bluffant et ça marche presque à tous les coups, dès la première fois.

J'en ai personnellement fait l'expérience à deux reprises ces dernières semaines. C'est immédiat, on rêvasse, on pense, et ça fait du bien, beaucoup de bien. Personnellement, j'ai vu les choses autrement, ça m'a permis ensuite d'agir différemment. En réalité, après s'être ennuyer, on voit beaucoup plus clairement ce qui est important de ce qui ne l'est pas, et ça, ça vaut de l'or. On entend un peu partout que l'entrepreneur ne doit pas rester la tête dans le guidon, qu'il doit prendre de la hauteur, et je dois dire que c'est un excellent conseil par ailleurs. Il existe donc plusieurs méthodes, chez Ben & Fakto par exemple, nous avons décidé très tôt de nous entourer d'un advisory board, espèce de conseil de sages. C'est excellent, je vous le recommande à tous. Mais cela ne suffit pas. En complément, une technique imparable : l'ennui.

Je vous donnais un exemple simple : le train. Il existe une méthode encore moins coûteuse : s'élever au niveau des toits et au-dessus, pour de vrai, prendre de la hauteur physiquement et se poser là, 30 minutes, se calmer, contempler. Pour les parisens, s'asseoir sur la butte Montmartre tôt le matin et voir Paris s'éveiller relève du magique, je vous le garantis. Les lyonnais peuvent en faire autant à la basilique de Fourvière ou encore les marseillais à celle de Notre-Dame-de-la-Garde. Même dans les villes plus plates telles que Bordeaux ou Lille, il y a toujours un immeuble, une tour au sein de laquelle vous pouvez prendre l'ascenseur et vous élever.

Je me souviendrai toujours un professeur de lycée me dire : "les jeunes d'aujourd'hui ne savent plus s'ennuyer et c'est bien le drame de notre mondre contemporain". Bon je n'irais pas jusque là mais tout de même, il pointait une réalité, on ne sait plus s'ennuyer. Il faut réapprendre.

Surtout, s'ennuyer, c'est s'ouvrir, à notre monde, et donc indirectement, aux autres. Or être et rester ouvert, c'est la qualité première d'un entrepreneur (et d'un Homme !) s'il veur voir les opportunités.