L’été fut chaud sur les marchés … Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais j’ai eu personnellement ma dose de la crise des dettes souveraines, de la dégradation de la notation obligataire américaine et de la fragilité (réelle ou supposée, selon que vous croyez davantage les experts du FMI ou ceux des autorités européennes) des banques de l’Eurozone.
Je vous propose dès lors un autre sujet, revenant sur un événement estival moins médiatisé : la chute du cours de l’action danoise Pandora et ce que cela dit du danger d’investir dans des actions d’entreprises récemment introduites en Bourse. Il me semble que c’est nettement plus intéressant pour d’édification du petit actionnaire que toutes les péripéties économiques de ces dernières semaines qui n’ont finalement accouché que d’une correction boursière nécessaire. Suivez le guide !
Cela semble l'évidence : avant d'éventuellement acheter les actions d'une entreprise, l'investisseur recherche toute l'information disponible pour étayer son avis. Or, les entreprises qui introduisent leurs actions en Bourse bénéficient d'une période de médiatisation qui a pour effet de fournir beaucoup d'informations sur leur situation et leurs perspectives. Notamment, durant ce qui est appelé des "road shows", les équipes dirigeantes vont à la rencontre des analystes et des investisseurs institutionnels pour présenter leur entreprise à la "communauté financière". Après tout, le management d'une entreprise doit bien connaître son dossier et joue sa crédibilité sur cette importante étape de développement de son entreprise que constitute une introduction en bourse. L'investisseur potentiel sera donc particulièrement intéressé par ce qui filtrera de ces "road shows" et sur ce qu'il lira alors dans la presse spécialisée.
La Boîte de Pandore
Et pourtant … Trop souvent, l'investisseur se laisse indûment séduire par les discours tenus en
ces occasions. N'oublions pas qu'un des buts du management est alors de "rendre la mariée" la plus belle possible de façon à pouvoir introduire l'action au cours le plus élevé possible. Une introduction en Bourse vise en effet à la fois à récolter le plus d'argent possible pour développer l'activité mais aussi, souvent, à permettre aux fondateurs et actionnaires historiques de monétiser une partie de leurs propres actions en les revendant à cette occasion. C'est pourquoi, la tentation est souvent grande pour le management de doper peu ou prou les perspectives de croissance bénéficiaire. Il sera toujours temps, par la suite, de revenir sur ces "brillantes" prévisions, en rejetant la faute sur un bouc-émissaire quelconque (par exemple, la crise économique).
Prenons le cas de Pandora, cette entreprise danoise qui fait le commerce de bijoux (fantaisie), numéro 3 mondial de son secteur derrière Cartier et Tiffany's. En pleine croissance et donc en quête de ressources financières, le bijoutier se lance dans une introduction en Bourse en octobre 2010, la 4e plus importante opération de ce genre en Europe en 2010. Bénéficiant de l'éloignement de la crise financière de 2008/09 et se prévalant de jolis succès commerciaux et financiers (2010 a ainsi vu le chiffre d’affaires grimper de 93% et la marge opérationnelle hors amortissements s'établir au confortable niveau de 36%, avec un objectif à court terme de 40%), Pandora envisage alors avec confiance la poursuite d'une croissance vigoureuse des son activité. En avril 2011, le management tablait d'ailleurs toujours sur une hausse d'au moins 30% de son chiffre d’affaires 2011. Les investisseurs accueillaient toutes ces informations avec bienveillance : l'action introduite en Bourse au prix de 210 DKK en octobre 2010 avait gagné plus de 20% le premier jour de sa cotation avant d'avoisiner les 350 DKK tout au long du premier trimestre 2011.
Tout ce qui brille n'est pas or …
Confrontés à la dure réalité, les contes de fée, fussent-ils boursiers, finissent mal en général. Pandora n'y fait pas exception. Début août, le management se voyait obligé de faire brutalement machine arrière : un mauvais deuxième trimestre ramenait les prévisions de croissance 2011 d'au moins 30% à … 0% ! Des consommateurs frileux avaient boudé les bijoux de Pandora qui avait tenu à protéger au mieux ses marges en répercutant au maximum les hausses des prix des métaux précieux dans ses prix de vente. Une lourde restructuration de quelque 18 mois au minimum est annoncée dans la foulée. La douche froide se révèle glaciale : en une journée, le cours de l'action s'écroule de … 65% pour s'établir à 51 DKK. Pourtant, les actionnaires avaient déjà eu des doutes à l'occasion de la publication des résultats du premier trimestre, moins bons que prévu. Si l'action avait alors déjà perdu à cette occasion 21%, elle continuait malgré tout à bénéficier de l'aura positive qui avait entouré son encore récente introduction en Bourse. Quant au directeur général qui avait habilement orchestré cette introduction en Bourse, il n'eut d'autre choix que de démissionner immédiatement de ses fonctions, le contrat de confaince le liant aux actionnaires étant irrémédiablement cassé. Et il y a quelques jours, le régulateur boursier danois est intervenu, lançant une enquête sur une banque qui avait publié un rapport favorable à Pandora lors de l'introduction en bourse en "oubliant" de mentionner qu'elle avait investi dans l'entreprise.
Esprit critique obligatoire
Si vous jetez votre dévolu sur une action qui a été récemment introduite en Bourse, la méfiance est donc de mise. Si Pandora constitue un cas extrême de "poudre aux yeux", la tentation pour les managements d'embellir alors la situation de leur entreprise est réelle. Pour le moins, ne prenez pas toutes les prévisions qui circulent pour argent comptant, surtout si le management table sur la poursuite d'une forte croissance récente. Mieux encore : sauf avis autorisé d'une source fiable, prenez comme règle d'éviter ce genre de dossier.