Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Je vous soupçonne plus nombreux que d’habitude à lire cette semaine ma chronique. Non pas que, petit à petit, les textes de qualité que je publie deux fois par mois sur ce site finissent par réunir de plus en plus d’aficionados captivés par la chose boursière. Certes, je n’écris que des choses passionnantes et je salue bien bas mes lecteurs réguliers. Mais la question n’est pas là. Pour une bonne partie d’entre vous, si vous êtes en train de lire ce « post », c’est en raison de son titre, peut-être le plus accrocheur de toutes mes chroniques.
Et, pour cette raison, je ne vous félicite pas ! Soyez conscients que l’industrie financière, comme toute industrie, ne cherche qu’à vous attirer par tous les moyens pour acheter ses produits. Les slogans les plus démagogiques, souvent dépassant les limites de la tromperie caractérisée, sont alors utilisés à cette fin mercantile. Et souvent, bien entendu, à l’encontre de votre propre intérêt.
Je ne vais donc pas vous présenter la « meilleure sicav du monde », concept éminemment subjectif qui n’est pas à même de rencontrer les besoins de chaque investisseur individuel, par nature, uniques.
Mais si vous me demandez de vous renseigner une sicav actions qui aurait ma préférence, à savoir un produit dont la philosophie de placement est cohérente avec mes chroniques (et donc, avec mes convictions financières), alors je peux vous l’indiquer.
Et puisque je ne peux rien vous refuser, ce produit est en réalité double, vu qu’il a une composante américaine et une composante non-américaine (pays développés). Il s’agit d’une part de « US Small Cap Value Portfolio » et d’autre part de « International Small Cap Value Portfolio » (hors Etats-Unis), toutes deux gérées et commercialisées par l’américain Dimensional Fund Advisors. Vous trouverez facilement des fiches descriptives de ces deux sicav via votre moteur de recherche préféré.
Pourquoi ces deux-là ?
Tout d’abord parce qu’il s’agit de sicav internationales. Un des grands torts des investisseurs est de rester trop dépendants de leurs marchés locaux. Visez le monde et non pas l’Hexagone ! Ensuite, et ceci est crucial, il s’agit de sicav investissant dans des actions de petite capitalisation (« small cap ») et présentant de faibles ratios de valorisation (« value »). Ce faisant, elles combinent les deux éléments dont il a été montré, sur longue période, qu’ils permettaient de surperformer la Bourse. Jetez un œil sur leurs performances (en dollars) : sur quelque vingt ans d’existence, la version américaine a rapporté un rendement annuel moyen de 12,9% (contre un indice de référence rapportant 10,88%) tandis que la version internationale a généré un rendement annuel moyen de 8,28% (contre un indice de référence générant 4,27%).
Peut-être, me direz-vous, mais ne sont-ce pas là des performances arrachées au prix d’un risque plus élevé ? Pas vraiment ! Si on examine toutes les périodes de 5 ans depuis l’apparition de ces sicav (si vous ne pouvez pas garder vos avoirs immobilisés pour 5 ans, alors n’investissez pas en actions), la pire perte opérée par la version américaine a été de 8,2% tandis que celle opérée par la version internationale a été de seulement 6,71%. Dans les deux cas, ce n’est pas la mer à boire. Faut-il pour autant regretter que ces produits ne privilégient pas les actions les moins volatiles de leur univers particulier ? Je vous ai en effet montré par le passé que les actions les moins risquées étaient aussi souvent celles qui performaient le mieux en Bourse. Alors, oui, peut-être bien, c’est un regret, c’est vrai. Mais le nombre élevé d’actions dans les portefeuilles (1248 du côté américain et 2031 du côté international) assure une bonne diversification et vous évite dès lors une exposition trop forte à l’une ou l’autre entreprise, à l’un ou l’autre secteur ou encore à l’un ou l’autre pays (dans le cas international).
Je vous sens déjà plus intéressés mais encore sceptiques. Car qu’est-ce qui prouve que les performances à l’avenir seront au diapason du passé ? Ah là, vous marquez un point. En effet, rien, absolument rien ne le prouve. Mais l’anomalie boursière constituée par les petites valeurs bon marché, qui ne s’est pas démentie sur longue période, même après avoir été mise en lumière, a toutes les chances, selon moi, de perdurer. Les investisseurs continueront très probablement à privilégier largement les actions de grande capitalisation via des sicav indicées ou des ETFs, poussant ainsi régulièrement les valorisations à des niveaux exagérément élevés, ce qui explique à terme leur performance assez médiocre. Bien entendu, si nous devions entrer dans une période de glaciation boursière généralisée, les performances telles que présentées plus haut ne seront sans doute pas de mise. Mais je ne pense pas que vous risqueriez une catastrophe malgré tout.
N’y a-t-il que ces deux sicav qui investissent dans les petites valeurs bon marché ? Assurément, non. Mais vous êtes ici chez Dimensional Fund Adivors, à savoir le gestionnaire de fonds qui compte, parmi les membres de son équipe, Eugène Fama, himself, le chercheur américain qui a mis en évidence cette fameuse anomalie et qui vient de recevoir le Prix Nobel d’Economie. Vous êtes donc en de bonnes mains avec des gestionnaires affûtés qui affinent régulièrement leurs outils d’analyse.
Vous regrettez l’absence des pays émergents ? Pas d’inquiétude ! L’effet « small cap value » fonctionne très bien dans les pays développés et il n’est pas certain que les pays émergents apportent un véritable avantage à cet égard.
N’est-il pas nécessaire, enfin, de trop payer pour ces produits haut de gamme ? Les performances dégagées sont calculées hors frais de gestion. Ils restent d’ailleurs raisonnables à 0,52% (pour la version américaine) et 0,71% (pour la version internationale).
Dernière précision : je vous engage à vous constituer un mix de ces deux produits, de façon à avoir une exposition géographique complète, pour ce qui est des pays développés. Inutile de surpondérer excessivement le marché américain : un niveau de 20% de la somme à investir réservé aux Etats-Unis me semble suffisant.
Voilà … Je ne suis bien entendu en aucun cas lié à Dimensional Fund Advisors. C’est en toute bonne foi que je vous ai soumis cette analyse. Mais, au final, la décision d’investir ou non dans ces produits vous revient toute entière, compte tenu, par ailleurs, de la composition actuelle de vos avoirs et de votre tolérance au risque.