Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Régulièrement, dans le cadre de cette chronique, je mets en avant les mérites des “petites capitalisations”, ces actions d’entreprises de taille modeste qui n’intéressent guère les médias. Peu spectaculaires, voire carrément ennuyeuses à suivre, ces actions se révèlent, plus souvent qu’à leur tour, de vraies pépites pour l’investisseur patient qui a pu en déceler le potentiel.
Mais ne poussons pas le raisonnement trop loin. Il y a « petit » et « petit ». La sous-catégorie des microcapitalisations ou « penny stocks », plus sexy que leurs grandes sœurs, recèle, elle, bien plus de dangers que de promesses.
Ah bon, comment ça ?
Ces (très) petites actions inconnues dont les perspectives mirobolantes vous sont vantées par email ou sur un forum électronique spécialisé ? Généralement américaines, elles cotent sous la barre des 5 USD (et parfois à un cours de quelques cents), ne dépassent pas les quelques millions de dollars de capitalisation et sont le plus souvent échangées de gré à gré («over the counter » ou OTC), à l’écart des places boursières réglementées.
Elles constituent un terrain de chasse idéal pour les escrocs, plus que jamais aux aguets, cherchant à profiter de la candeur des petits investisseurs, à la manière d’un Jordan Belfort, « Le loup de Wall Street » récemment porté à l’écran par Martin Scorcese.
En cette période de très bas taux d’intérêt, qui ne rêverait ainsi d’acheter, avant qu’elle ne soit davantage connue, une action à un cours de 0,1 USD pour la revendre à 2 ou 3 USD quelques mois plus tard ? Un seul coup gagnant et vous pouvez transcender la performance d’un portefeuille jusqu’alors endormi. Profitant des rares (vrais) contes de fée de ce type, les fraudeurs organisent, via Internet et des « newsletters » à la réputation douteuse, la promotion d’actions d’entreprises de secteurs à la mode comme récemment Cynk Technology (réseaux sociaux) ou Vapor Hub International (commerce de cigarettes électroniques) de façon à faire monter rapidement les cours. Dans le cas de Cynk, le cours de l’action est passé en quelques semaines de 2 USD à 21,95 USD au début du mois de juillet dernier.
Vous ne pouvez vous fier à personne : il se peut que la fraude soit organisée directement par le management de l’entreprise ou par des investisseurs véreux qui en ont pris le controle. Lorsque le gendarme boursier (la SEC aux Etats-Unis) lève le lièvre, il est trop tard pour beaucoup : l’action se révèle n’être qu’une coquille vide (peu ou pas d’actifs ni de chiffres d’affaires, le plus souvent des pertes), le cours s’effondre et l’investisseur a tout perdu. Après l’arrêt de la cotation de Cynk, le cours s’est réduit à … 0,2 USD. Le fraudeur, lui, bien entendu, s’est positionné avant la hausse et a vendu avant la baisse.
Le succès de ce genre de piège repose sur la crédulité et la cupidité, toutes deux au-delà du raisonnable, des petits investisseurs dupés. Certes, les informations de qualité sur ce genre d’actions sont rares (pas de suivi par des analystes d’institutions reconnues). Mais un coup d’œil sur les comptes annuels suffit généralement à pressentir l’arnaque. En toute hypothèse, évitez ces actions hyper volatiles et bien trop peu liquides.