« Petite chronique boursière  » : L’efficience du marché

Vincent_colotPar Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Lorsqu’il s’agit de conseiller au mieux les petits investisseurs, c’est une des antiennes habituelles : « Surtout, ne jouez pas au plus malin en investissant dans des actions individuelles. Achetez le marché et ce sera très bien ».

Il y a du vrai : pour la plupart des investisseurs, acquérir des actions individuelles s’avère trop onéreux (en frais de transaction, notamment) et expose à trop de risques. Il est ainsi quasiment impossible de se constituer et de suivre un portefeuille correctement diversifié d’actions individuelles. Plusieurs dizaines de titres sont en effet nécessaires. Mais, comme nous l’avons récemment souligné, celui qui accepte le principe de la spéculation et qui fait montre d’une grande discipline méthodologique peut s’essayer à l’exercice selon le principe suivant : il est plus « facile » de trouver des actions bon marché qu’une Bourse bon marché.

Ceci étant (re) précisé, le marché est-il une solution optimale, efficiente au sens où elle serait quasiment imbattable, compte tenu du risque à assumer ? A nouveau, ceux qui prônent d’acheter des indices (via des ETFs ou sicavs indicés, gérés donc passivement) ont un bon argument. Par définition tautologique, l’ensemble de l’argent géré sur un marché constitue l’intégralité du marché. Ceux qui se détachent peu ou prou du marché (via une gestion active) restent malgré tout dans le marché et performent en moyenne comme lui (certains perdant, d’autres gagnant), aux frais de gestion près. La gestion active est donc en moyenne, du fait de ces frais, une solution perdante pour le petit investisseur, d’autant qu’il a bien du mal à dire à l’avance quels fonds seront gagnants et quels fonds seront perdants.

Une minute … Est-ce si certain que cela ?

Examinons de plus près ces indices, les MSCI, CAC40 et S&P500 de ce monde. Une de leurs caractéristiques est qu’ils sont généralement composés d’actions en fonction de la capitalisation boursière de celles-ci. Des limites peuvent être prévues mais le principe est que une grosse capitalisation pèsera davantage dans l’indice qu’une petite capitalisation. C’est normal, avanceront les tenants de cette approche : une entreprise fortement capitalisée (valant beaucoup en Bourse) est représentative de son importance actuelle et à venir de cette entreprise dans l’économie de son pays. Il faut donc en rendre compte dans l’élaboration de l’indice.

Peut-être bien … Mais est-ce la garantie du meilleur rendement possible pour celui qui veut investir dans un indice boursier ? De plusieurs études réalisées un peu partout dans le monde, il apparaît que non. Sans doute estimerez-vous nécessaire de recourir à des formules compliquées pour parvenir à de meilleurs résultats que via des indices capitalisés. Détrompez-vous. Ainsi , une étude empirique menée en 2006 par deux chercheurs (Wojciechowski et Thompson) a établi que, sur la période allant de 1970 à 2006, 2/3 des portefeuilles générés aléatoirement étaient plus efficients (meilleur rendement compte tenu de la volatilité) que le marché. Voilà qui est troublant. Alors qu’on nous assure à longueur de temps que les fonds gérés activement ne peuvent pas battre le marché, voici qu’une procédure aléatoire le permet dans la majorité des cas. Mais il est une procédure toute simple qui aboutit au même résultat, sans doute avec une plus grande probabilité encore : construire les indices non pas en accordant plus de place aux actions les plus importantes mais en donnant le même poids à chaque action, quelle que soit sa capitalisation. Ce sont des indices « équipondérés » (« equal- weighted ») par opposition aux indices capitalisés (« value-weighted »).

Venons-en au concret. Quelle différence de performance constate-t-on entre ces deux types d’indices (en supposant que les indices « equal-weighted » sont réajustés tous les trimestres) ? Par exemple, depuis 10 ans (jusqu’à fin janvier 2016), le rendement total annuel moyen des 500 premières valeurs américaines (S&P 500) est près de 1% supérieur selon qu’il est « equal-weighted » plutôt que « value-weighted » (7,46% au lieu de 6,48% en dollars). Pour les pays émergents (MSCI Emerging Markets), la différence sur 10 ans dépasse 1,5% par an (3,69% au lieu de 2,16% en dollars).

Attention cependant, pas de pensée magique ! Ce « truc » ne marche pas à tous les coups, partout et pour toutes les périodes. En considérant ainsi, l’indice mondial des pays développés, une quasi-égalité de performance est obtenue entre les deux indices sur 10 ans, l’indice classique l’emporte sur 5 ans (6,39% par an au lieu de 4,66% en dollars) mais pas sur très longue période (depuis mai 1973, 9,21% par an au lieu de 10,6% en dollars).

En moyenne, néanmoins, il y a une bonne probabilité pour qu’un indice « equal-weighted » l’emporte sur son alter ego « value-weighted ». Cela signifie tout simplement qu’en moyenne les plus petites actions performent mieux que les plus grosses. En particulier, les grosses actions de l’indice font régulièrement l’objet de trop d’optimisme de la part des analystes financiers, ce qui se traduit par des rendements ultérieurs moindres. Si vous avez le choix et si cette solution ne s’avère pas trop onéreuse (ne payez pas davantage qu’un supplément de 0,5% de frais de gestion par an), optez pour les produits indicés de façon équipondérée.

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