Par Valérie Weill (chroniqueur exclusif)– Consultante et accompagnatrice en création/développement d’entreprise
Quand l’entreprise récemment créée se développe bien, voire même très bien, l’entrepreneur(e) peut vite se retrouver débordé(e), et cela bien plus tôt que prévu… Au début, le réflexe sera de penser : « j’ai probablement encore une mauvaise organisation et gestion de mon temps », ou bien « je ne maîtrise pas encore assez bien certaines tâches, c’est pour cela que je perds du temps » – sans parfois vouloir s’avouer aussi que l’on n’aime pas effectuer certaines tâches, qu’on les fait à reculons – et donc elles prennent de fait plus de temps… Passée cette première réflexion, l’entrepreneur(e) peut encore se dire : « oui, mais mon activité peut être cyclique, la saisonnalité joue et c’est pour cela que j’ai beaucoup de travail en ce moment… ». Le problème devient plus lancinant lorsque cette surcharge de travail devient récurrente sur plusieurs mois. On ne peut plus alors parler de simple saisonnalité, il faut bien admettre que c’est l’entreprise qui se développe, les ventes qui grimpent et c’est tant mieux !
Sauf que l’entrepreneur(e) commence à faire des journées et des week-ends à rallonge, s’essouffle, son entourage familial commence à râler et il a l’impression de voir s’amonceler des piles de to-do list à n’en plus finir. Et honnêtement, démarrer sa journée avec une to-dolist à 24 tâches pour n’en rayer que 5 à la fin de la journée, c’est démoralisant.
A ce moment, l’entrepreneur(e) – qui était initialement parti sur l’idée de « ma petite entreprise by myself » revendiquant son besoin d‘autonomie et d’indépendance – en vient à se demander s’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à une aide extérieure pour absorber le trop plein de travail, voire éponger le retard pris. A partir de ce constat viendront naturellement plein de questions :
– Est-ce que j’ai besoin de cette aide temporairement ou vais-je finalement en avoir besoin de manière indéterminée ? comment alors la planifier ?
– Suis-je financièrement dans la possibilité – alors que je suis au début de cette phase de croissance – d’intégrer une personne, même stagiaire ?
– Où trouver cette personne qui pourra m’aider ?
– Quelles doivent être ses compétences, sa formation, son expérience, sa personnalité ?
– Que lui demander de faire précisément et donc que dois-je accepter de déléguer ?
– Où en suis-je avec mon modèle de départ où je créais tranquillement ma petite boîte dans mon coin ?
– Comment envisager l’idée que je puisse avoir besoin d’embaucher à terme et de passer de un à deux, voire trois salariés ou plus encore ?
– Comment vais-je endosser le costume de « patron » surtout si je n’ai pas eu beaucoup d’expérience en management auparavant ? Comment gère t-on au quotidien un stagiaire ou un salarié ?
– …
Toutes ces interrogations sont parfaitement légitimes et se bousculent dans la tête de l’entrepreneur(e) qui doit passer d’un modèle d’entrepreneur(e) de soi à celui d’un(e) véritable dirigeant(e) de société.
C’est bien pour cela qu’il est indispensable d’être suivie, accompagnée en tant que jeune entreprise, car la création – au sens de construction d’une entreprise – ne s’arrête pas à la réception de son extrait Kbis ; bien au contraire, c’est à partir de ce moment que tout commence ! Savoir parler à temps de ses difficultés d’organisation, de charges de travail et pouvoir en discuter avec un coach, un mentor, un autre dirigeant expérimenté est primordial pour prendre les bonnes décisions en temps et en heure et ne pas se retrouver dépassé(e) par la situation. Cela nécessite bien sûr d’entamer une réflexion personnelle sur le devenir de l’entreprise – non pas tel qu’on l’avait envisagé de manière « prévisionnelle » dans son business plan, mais tel qu’il se présente dans la réalité du marché et de la croissance de l’entreprise. Ainsi, l’entrepreneur(e) est de fait amené(e) à grandir psychologiquement en même temps que son entreprise se développe – et parfois est amené(e) à changer de manière importante ses paradigmes de départ, pour ne pas reculer devant cette croissance, mais au contraire l’accompagner et la vivre comme une des étapes normales du cycle de vie de l’entreprise.