Que voudriez-vous laisser derrière vous ?

Martingilles Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP

Un jour, vous quitterez le poste que vous occupez aujourd’hui ; soit pour en occuper un autre, soit pour partir à la retraite.

Que voudriez-vous laisser derrière vous que les personnes associeraient à votre passage dans ce poste ? De quoi voudriez-vous qu’ils se souviennent ?
Je pose cette question assez régulièrement à des managers et dirigeants, par exemple pour comprendre les valeurs que partagent (ou non) les membres d’un comité de Direction.

Cette question est un bon révélateur des valeurs profondes de chacun, de ce qui tient vraiment à cœur.

Elle doit être traitée en supposant que l’interlocuteur a vraiment les moyens, comme un magicien, de décider lui-même de ce dont les personnes se souviendront. Ce qui n’est pas toujours vrai ; dans de nombreux cas, les personnes, quand elles évoqueront celui qui est parti, parleront de tout autres choses, et pas forcément de choses gentilles. On se rappelle parfois mieux des abrutis qui ont fait du mal à l’entreprise que de ceux qui l’ont marquée positivement.

Elle révèle aussi deux types très différents d’attitudes.

Les uns vont, face à cette question, évoquer une caractéristique personnelle qu’ils ont l’impression de détenir, comme un talent caché, une compétence que n’ont pas les autres. Par exemple, ils vont parler de leur professionnalisme, de leur sens de la justice, de leur capacité de travail, de leur capacité à relever tous les défis qui leur ont été confiés,…Ils vont se lancer dans leur propre propagande.

D’autres vont plutôt évoquer, avec cette question, ce qu’ils auront transmis à l’entreprise, ce qu’ils auront laissé, comme un héritage, à leurs propres collaborateurs, et que souvent, ils ont reçus eux-mêmes de leurs anciens. Ceux-là voient l’entreprise comme un lieu de passage et de transmission, comme une communauté de passeurs qui ne s’arrête jamais et survit, se renforce, au fil des années, de ces transmissions successives.

Bien sûr, cette deuxième catégorie de réponses et d’attitudes est plus porteuse de valeurs, de solidarité, d’efficacité collective, que la première.

Et, si vous essayez d’évaluer les chances d’un projet de transformation qui va nécessiter de la cohésion, de la prise de risques collective, et que vos managers se trouvent dans la première catégorie, vous allez sûrement avoir plus de mal. C’est un signe de probabilité plus forte d’échec, de conflits interpersonnels.

D’où viennent ces deux attitudes ? Il y a forcément des causes individuelles, liées aux personnalités des managers. Mais il y aussi des origines plus culturelles, certaines entreprises étant plus propices que d’autres à l’expression de solidarités collectives.

En tous cas, derrière cette question anodine, il y a de quoi comprendre de nombreux dysfonctionnements des comités de Direction.
Voilà une méthode simple pour mieux écouter et mieux comprendre (car un consultant, c’est d’abord quelqu’un qui écoute, avant de donner le moindre avis), ça ne peut pas faire de mal. Et elle laisse la place à tout un imaginaire, parfois assez émouvant, certains pouvant se rendre compte qu’ils n’ont jamais vraiment réfléchi à une telle question, pris dans un tourbillon professionnel qui les broie, et dont il ne restera rien d’eux-mêmes après leur départ.

Pour l’entrepreneur aussi, c’est une bonne question à méditer sur ses vraies motivations à entreprendre, à créer et à développer une entreprise.

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