Par Eric Dupin (contributeur) – Concepteur web indépendant
Si l'on en croit les enquêtes qui sortent assez régulièrement sur le sujet, nous sommes des millions à rêver de créer un jour notre entreprise.
Enfin, vous êtes, ils sont, parce-que pour moi c'est déjà fait depuis pas mal de temps.
L'une des principales motivations étant probablement la liberté que procure l'absence de hiérachie.
Ou plutôt la sensation de liberté. Parce-que dans les faits cela ne se passe pas exactement comme ça, tant nous avons une propension naturelle à nous créer rapidement d'autres contraintes, tout aussi "liberticides" que l'omnipotence d'un petit chef hargneux.
D'abord, jeune entrepreneur impétueux et ambitieux, sache que quand tu auras fièrement acquis ta liberté d'indépendant au sacrifice de ton train de vie confortable de jeune cadre, que tu auras jeté ton costume Armani au profit d'un tee-shirt La Fraise, d'un bermuda douteux et de Converse trouées, et troqué ton Audi A3 contre un scooter de 1998, cette liberté ne durera pas longtemps.
Pour commencer, dans le grand troc, tu vas aussi échanger ton patron pénible contre des clients.
Sacrés, la plupart du temps sympathiques, mais exigeants.
De plus en plus exigeants, à la mesure de leur connaissance croissante du web.
Et bien sûr tu te défonceras pour eux, oubliant ta vie privée, leur donnant la mauvaise habitude d'une réactivité immédiate contre vents et marées à leur moindre désir…
Leur donnant aussi ton numéro de portable, quand ce n'est pas celui de ton domicile parce-que tu bosses chez toi et que le portable passe mal.
Leur donnant, pire, l'habitude de bosser le week-end (la pire erreur stratégique de l'entrepreneur débutant) et de leur remettre lundi matin dès potron-minet une grosse modification demandée vendredi soir.
Mais tu t'en fous, tu es libre comme jamais tu ne l'as été.
C'est vrai. La liberté, où l'idée qu'on s'en fait…
Ensuite viendra l'heure du premier bilan et les sueurs froides chez l'expert-comptable (tu auras ressorti ton costume Armani pour l'occasion mais tu auras l'air d'un con sur ton scooter de 1998), et ces efforts désespérés pour garder un semblant de dignité au moment du verdict : bénéfices ou déficit ?
Si bénéfices, tu seras tellement regonflé que tu repartiras pour une année encore plus remplie que le précédent exercice pour tout déchirer.
Si déficit, tu seras tellement vexé que… voir ci-dessus.
Dans les deux cas, tu vas bosser mon gars, je te le dis. A un point que les RTT ne seront plus qu'une vague notion d'un truc d'une autre vie.
Je vous rassure, je sais de quoi que je cause : j'ai connu les deux, mais plus souvent le premier que le deuxième, heureusement.
La liberté, ou l'idée qu'on s'en fait.
Mais de moins en moins, alors, ou de plus en plus vague, l'idée.
Puis, si ça marche, ce que je te souhaite, tu vas recruter. D'abord des stagiaires, puis ton premier salarié.
Qu'il va falloir former, suivre, motiver, et éventuellement virer (si si) si celui-ci ne fait pas l'affaire.
Encore du boulot en perspective. De la bonne paperasse comme tu l'aimes, toi qui vibres encore pour cet idéal d'un monde connecté où le papier aurait disparu…
On continue ?
Et encore, tu n'as pas ouvert de blog, je te laisse imaginer.
Bon j'ai l'air de cracher dans la soupe comme ça mais pour rien au monde je ne reprendrais un job salarié.
Etre indépendant, monter sa boîte, c'est absolument génial, mais la liberté que cela permet est en fait un long apprentissage (il m'a fallu presque dix ans pour apprendre à dire non à un client sans le fâcher et autant pour faire comprendre qu'éventuellement il m'arrive aussi d'avoir une vie privée), tant il est difficile de se départir d'un sentiment de culpabilité permanent quand on fait autre chose que bosser (pour son compte).
Je le crois de plus en plus : on est libre d'abord quand on a la sensation de liberté, même si on n'utilise pas cette dernière comme on devrait.
Et c'est particulièrement vrai dans les métiers liés au web, qui vit 24/24 et qui n'offre aucun repos forcé par des périodes de fermeture (tiens, si on inventait le web fermé le dimanche ?).
Répétez après moi (ou notez-le quelque part) :
- bien penser à profiter de la liberté qu'offre un statut d'indépendant afin que ça ne reste pas juste une idée
- apprendre à dire merde aux contraintes inutiles
- éduquer les partenaires (clients…) en leur montrant bien les limites de vos plate-bandes
Je dis ça mais si ça peut vous rassurer je peux vous dire que j'ai encore des progrès à faire moi aussi…

 
 
 
 
 
 
J’aime beaucoup votre chronique. j’aime bien rencontrer des personnes comme vous qui cherchent humblement à progresser ! C’est vrai quoi c’est pas facile d’apprendre à gérer cette liberté ! Mais qu’est-ce que çà vaut le coup, n’est-ce-pas ? Comme vous j’aurais du mal à y renoncer !!! C’est amusant que votre chronique vait écho avec celle que j’avais fait l’an dernier pour le 1er mai !!! http://www.enviedentreprendre.com/2006/05/entrepreneurs_p.html
Très intéressant article et tellement vrai. La liberté se situe à mon sens dans la possibilité et non dans l’action. C’est la possibilité de dire « non » a un client qui permet de se sentir libre. Dans les faits, il est évidemment rare de dire « non ». En revanche, ce qu’on gagne en liberté vis-à-vis de la stratégie de l’entreprise, on le perd souvent et bien plus fondamentalement vis-à-vis de l’administration qui a la différence de la plupart des hiérarchies est extrêmement rigide.
A peine un an que je me suis lancé moi aussi dans cette vaste entreprise qu’est le statut d’indépendant… Aujourd’hui je ne le changerai pour rien au monde, c’est évident. Mais la discipline et l’angoisse du CA à la fin du mois, je ne l’avais pas assez appréhendé, je pense.
Parce que oui on a personne pour nous gronder quand on commence le boulot à 10h arès une soirée arrosée et que de toute façon on rattrapera le temps perdu le soir meme.
Mais l’angoisse de se dire « est-ce que ça va marcher ? », « mon ca sera t il suffisant pour que je me verse un salaire correct? » est fatiguante nerveusement. Et il faut avoir beaucoup de motivation et de confiance en soi pour continuer.
C’est tellement plus facile quand la paye tombe tous le smois, qu’il pleuve qu’il vente ou qu’il neige non ?
Audace et confiance, deux qualités essentielles d’un entrepreneur je pense.
Pour la liberté, comme réumé plus haut elle n’est pas dans l’aciton mais dans les possibilités d’action.
La liberté est partout, courage créons!!! Que ce soit en tant qu’entrepreneur ou salarié, l’important c’est de créer.
Et pan dans le mille! Le plus marrant dans toute cette aventure d’indépendant c’est qu’on rame (pour rester poli) tous comme des malades et, à la fin, on ressort tous la même phrase sacrée: « pour rien au monde je ne reprendrais un job salarié. » Moi je dis que l’indépendance, finalement, au-delà de toutes les considérations techniques, pratiques, financières, etc, c’est un mode de vie, une philosophie. Tu l’as en toi ou tu l’as pas.
Mes amitiés à tous les collègues indépendants!
4- La Liberté d’Entreprendre
Rien que c’est seule transcription devrait rassurer les plus pessimistes. Une entreprise toutes les 2mn15, c’est une jolie prouesse dans un pays où l’esprit d’entreprendre semble être étouffé par les contraintes extérieures et les résistances…
Je commence à me lancer dans un travail en indépendant. Merci de ce genre de post, qui au-delà de conseiller, rassure : ça va être la galère, mais ça va être mieux que salarié (enfin, faut un minimum de bénéfices quand même…).
L’entreprenariat, il faut avoir ça dans le sang. Liberté, autonomie, indépendance surclassent toutes les galères de la création.
La liberté commence à 10 salariés.
La délégation, les clients réguliers (et donc la rémunération) permettent de trouver une qualité de vie bien supérieure a toute vie salariée. Courage, un peu de patience, la récompense vaut bien quelques années de galère !
Bonjour,
Entrepreneur depuis 10 ans, je me reconnais très bien dans votre post ; en plus sympa et agréable à lire 😉
La liberté n’est elle pas aussi celle de savoir, ou plutôt d’avoir le sentiment, que tout ce que l’on fait, on le fait pour soit.
Pas pour le gars d’au dessus qui s’est enfermé dans son confort personnel et son salaire à 5 chiffres et qui n’espère qu’une chose, ne pas faire de vague.
Assumer les conséquences de ses réussites comme de ses échecs.
Avoir le sentiment (on y revient) de changer les choses
Bref pour moi ce sentiment de liberté c’est surtout devenir pleinement acteur de sa vie.
C’est sur, comme vous le dites, je suis conscient des moments difficiles qu’il y aura à traverser.
Mais au moins j’aurais le sentiment non seulement d’être libre, mais surtout d’être vivant.
tellement vrai !!
– ne pas confondre C.A et bénéfice
– apprendre à bien gérer la trésorerie et faire un pacte avec son banquier… entre les les clients qui payent à 120 jours et les salariés (et les serveurs 😉 ) qu’il faut payer chaque mois….
Excellente écriture…
Mais même ces difficultés ne décourageront pas les intrépides. En réalité, on le sait sans le connaître. Et ce qui pousse un jeune cadre ou un mec plus mûr à se lancer, ce n’est pas sa raison qui a jaugé de ces difficultés mais ses tripes qui le guident irrémédiablement.
Et comme vous dites, au final, vous ne regrettez pas un instant… La quête du bonheur passerait-elle par une souffrance voulue mais appréciée ? 🙂