Depuis que l’intelligence artificielle a fait ses premiers pas dans le domaine de l’art, de nombreuses polémiques ont éclaté. La plupart d’entre elles concernent le droit d’auteur autour des images générées par les outils alimentés par l’IA, tels que Midjourney ou Dall-E. Deux camps s’opposent alors : celui des artistes qui voient en l’IA une menace pour leurs droits d’auteur, et celui des collectifs qui souhaitent à contrario obtenir des droits d’auteur sur les images créées via l’IA.
Droit d’auteur pour les images générées par IA
« Théâtre d’Opéra spatial », « La Famille de Belamy » ou encore la première bande dessinée « générée » par IA « Zaya of the Dawn » sont quelques-unes des œuvres artistiques où l’IA joue un rôle central dans la question du droit d’auteur. Pour le premier cas, son auteur Jason Allen avait déposé un recours en justice afin d’obtenir la totalité des droits d’auteur pour son œuvre créée en grande partie via l’usage de l’outil IA Midjourney. Le Copyright Review Board, la plus haute instance dédiée au droit d’auteur des États-Unis, avait alors prononcé en septembre dernier un verdict dans lequel l’octroi du droit d’auteur pour son œuvre « Théâtre d’opéra spatial » lui était refusé.
Dans le deuxième cas, le collectif d’artistes Obvious détient l’intégralité des droits d’auteur sur ses créations dans la série « La Famille de Belamy ». Cette série a vu le jour grâce à l’usage d’un outil alimenté par l’IA, travaillant sur une base de données comptant plus de 14 000 portraits peints entre le XIVe et le XIXe siècle. Chaque œuvre de la série est par la suite signée par l’outil, en inscrivant notamment la formule mathématique qui a permis de réaliser la « toile ».
Gauthier Vernier, l’un des cofondateurs du collectif Obvious, explique son point de vue concernant la place que tient l’IA dans le processus de création, et donc son impact sur les droits d’auteur : « L’intelligence artificielle n’est qu’un outil à disposition des créatifs, même si nous comprenons les inquiétudes et qu’elle doit être gérée par des règles et une certaine éthique ». Mathilde Carle, avocate aux barreaux de Paris et de New York chez Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, confirme : « Le droit d’auteur s’applique à une œuvre si elle fait preuve d’originalité et reflète la personnalité de son ou ses auteurs ».
Consentement des auteurs et transparence
Les deux cas précédents montrent la complexité de la question sur les droits d’auteur sur une œuvre artistique créée, en totalité ou en partie, par l’intelligence artificielle. Pour autant, la racine du problème reste unique : le droit d’utilisation des images qui nourrissent l’apprentissage des outils IA. Thierry Maillard, directeur juridique de l’ADAGP, partage son inquiétude sur le sujet. Malgré la présence d’une directive sur la fouille de textes et de données sur le web, promulguée en 2019 en France, cette dernière « n’a pas anticipé l’avènement des intelligences artificielles génératives, capables de créer en masse des créations visuelles, et qui, aujourd’hui, viennent menacer directement l’activité des auteurs dont les œuvres ont été aspirées pour nourrir ces mêmes IA ».
Une problématique sur laquelle le collectif Obvious travaille continuellement : « Nous essayons systématiquement d’avoir des accords avec les ayant droit des œuvres avec lesquelles nous nourrissons l’intelligence artificielle comme ça a été le cas par exemple avec notre série sur les œuvres pariétales pour lesquelles nous avons contacté la grotte de Lascaux », explique Gauthier Vernier. Qu’ils soient pour ou contre l’octroi des droits d’auteur à un outil IA, les artistes et les principaux acteurs de l’art, que ce soit en France ou aux États-Unis, s’accordent aujourd’hui sur la nécessité de mettre en place des dispositifs d’encadrement beaucoup plus poussés. La solution peut venir de l’IA elle-même, comme le suggère Mathilde Carle, en utilisant des outils comme Bria AI, « qui permet de remonter aux multiples sources d’une image de synthèse et d’identifier les centaines d’œuvres originales dont elle s’est inspirée ».