Sentiment d’urgence : gare aux faux-amis !

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Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP

Quand l’existant devient
intolérable, et que le besoin de changement devient évident, il est courant de
dire que ce qu’il faut faire pour que les choses bougent, que la dynamique du
changement prenne, c’est de transmettre un « sentiment d’urgence ».

C’est une tarte à la crème
des bonnes recettes des consultants.

Malheureusement, nombreux
sont ceux qui ne savent pas vraiment ce que c’est que le « sentiment
d’urgence ».

Pour beaucoup,
« sentiment d’urgence », cela consiste à diffuser l’anxiété,
l’angoisse, la peur, dans toute l’entreprise.

Et les dirigeants qui font
cette confusion font en fait beaucoup de mal à leur entreprise, au lieu de
transmettre ce qu’ils croient être un « sentiment d’urgence ».

Cette mauvaise urgence se
traduit généralement par une suractivité qui peut être plus destructrice que
bénéfique.

On repère facilement ceux
qui en sont victimes.

Ils courent de réunion en
réunion, sautant d’un sujet à l’autre jusqu’à l’épuisement.

Ils passent du temps à préparer
des présentations Powerpoint sur des tas de sujets.

Cette agitation s’accompagne
de tensions et de conflits entre les Départements, entre les personnes, entre
les métiers (le Financier en veut au Commercial, qui s’énerve contre
l’Industriel,…).

Les « projets »
sont de plus en plus nombreux, les to-do lists n’en finissent pas.

Tout le monde s’agite,
s’énerve, et aucun résultat n’en sort.

Tous disent « il faut
agir ! », mais personne n’agit vraiment ; à tout problème
rencontré, il y a un coupable : l’autre !

Les consultants se
retrouvent souvent pris dans de telles ambiances, car une des parades des
dirigeants, dans un tel bazar, est justement de demander à un consultant de
faire un rapport de recommandations sur le problème, permettant ainsi de différer
la décision et d’éviter de prendre ses responsabilités ; lesdites
recommandations consistant généralement à ajouter de nouvelles actions, et de
nouveaux projets, et donc à aggraver le frénétisme ambiant.

Peut-on guérir d’un tel
mal ?

John P. Kotter, auteur célèbre en management, 
vient justement de consacrer son dernier ouvrage à ce sujet. Le titre
est explicite : « A sense of urgency ».

Pour donner à une
organisation un vrai « sens de l’urgence », il nous propose une
stratégie et quatre tactiques.

La stratégie, c’est de ne
surtout pas tenter de  convaincre avec
des faits et des chiffres, mais de gagner les cœurs et les reins, c'est-à-dire
de jouer sur l’émotionnel, le « storytelling »,..

Les quatre tactiques,
maintenant :

1.     Faire rentrer l’extérieur à l’intérieur de
l’entreprise : en faisant venir dans l’entreprise, ou en envoyant les
employés à l’extérieur, visiter des clients, rencontrer des concurrents, parler
avec les employés qui sont en contact avec les clients, sortir.

2.     Se comporter avec le « sens de l’urgence »
tous les jours ; et pour que ça se diffuse à tous les niveaux, les boss
montrent l’exemple : ils suppriment de leur agenda tout ce qui n’est pas
prioritaire, ils raccourcissent la durée des réunions et les circuits de
décision , etc. Tout est dans l’attitude, qui manifeste l’urgence mais pas la
frénésie d’agitation,

3.     Trouver les opportunités dans les crises :
c'est-à-dire ne pas se lamenter ou désespérer devant les difficultés ou échecs,
mais en faire des opportunités pour agir et bouger.

4.     Régler le cas de ceux qu’il appelle les
« NoNos » : ceux qui trouvent toutes les bonnes raisons pour
dire que ça ne marchera pas ; il ne faut surtout pas les ignorer (car ils
vont continuer à saper les initiatives dans le dos ), ni tenter de les faire
participer au changement (ils ne vont faire que tout torpiller). Le mieux est
de les sortir complètement, ou de leur confier un autre projet périphérique qui
les occupera et les empêchera de nuire.

On le voit, cette stratégie
et ces tactiques, qui nous sont proposées pour réanimer le « sens de
l’urgence », sont d’abord une histoire de politique et d’attitude.

Ce n’est pas pour autant
qu’elles sont faciles à mettre en œuvre.

D’où l’intérêt de garder
auprès de soi de tels principes, comme une trousse de secours en cas…..oui,
d’urgence !

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