Banquier + Gangster = …

Vincent_colotPar Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

… Bankster !

Ouh là, sur quelle pente me hasardé-je ? N’est-ce pas adhérer à une thèse populiste, voire complotiste, que d’assimiler les banquiers à des gangsters ? Et pourquoi pas des mafieux, tant qu’on y est ? De fait, le terme « bankster », qui est loin d’être un néologisme, a été à plusieurs reprises employé par des mouvements extrémistes, visant le chaos ou l’anarchie, pour dénoncer le système (capitaliste) en place.

Si je me désolidarise évidemment totalement de ces mouvements, il serait idiot de nier qu’il y a un « problème » bancaire.

Un sondage publié juste avant l’été a laissé apparaître que seul 1 Français sur 4 se dit très satisfait de sa banque, au point de la recommander à ses amis. Le secteur bancaire est d’ailleurs, avec le secteur de l’énergie, le secteur qui fait l’objet de la moindre considération par la population. En Belgique, à l’occasion d’une récente consultation sur le site Internet de l’association de défense des consommateurs Test-Achats, les membres ont clairement exprimé leur opinion sur le secteur financier. Pour 71% d’entre eux (ayant répondu sur une base volontaire), les banques se moqueraient comme d’une guigne de l’intérêt réel de leurs clients : seuls importeraient les bénéfices et la rémunération des actionnaires. Ils ne sont que 2% à considérer, à l’inverse, que l’intérêt d’une banque et de sa clientèle se rejoignent parfaitement.

Si ces jugements sont sévères, ils sont compréhensibles et ne font pas de ceux qui les tiennent de dangereux complotistes. Car huit années après la faillite de l’américaine Lehman Brothers, point de départ officiel d’une crise financière mondiale dont les effets sont toujours présents, de nouveaux (et d’anciens) scandales financiers continuent de défrayer la chronique. La vérité judiciaire définitive n’a toujours pas été prononcée dans l’affaire Kerviel. Bonus extravagants, trading incontrôlé, blanchiment d’argent, manipulation des taux interbancaires, etc : les thèmes sont variés, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, où des voix s’élèvent pour réclamer des peines de prison à l’encontre des responsables de grandes institutions.  A présent, l’allemande Deutsche Bank est poursuivie par la Justice américaine pour malversations présumées sur le marché immobilier US à une époque antérieure à la crise. La sanction pourrait s’élever à … 14 milliards USD. Dans les conditions actuelles, cette banque, hautement systémique, serait bien incapable de s’acquitter de cette somme. Et que dire, toujours aux Etats-Unis, du scandale de la Wells Fargo fraîchement condamnée pour pratiques commerciales illicites. Via des employés mis sous pression pour atteindre leurs objectifs de rentabilité, la banque avait « tout simplement » ouvert quelque 2 millions de comptes et de cartes de crédit à l’insu de leurs clients pour leur prélever des frais de fonctionnement … Cette semaine, devant une commission du Sénat américain, le PDG de l’institution, a nié que ces pratiques aient été sciemment organisées par le management.

Comment s’étonner dès lors que la suspicion se soit répandue à l’égard du secteur financier ? L’actuel contexte de taux bas, certes non voulu par les banques, renforce la grogne des petits épargnants. Raison de plus pour être vigilants. Car ce que les banques ont perdu en marges dans le crédit, elles cherchent naturellement à le compenser. Réduire les frais (de personnel) ne peut constituer une stratégie de long terme. Dès lors, exigez toutes les explications nécessaires pour lever l’opacité habituelle de l’offre bancaire, surveillez les frais qui vous sont comptés et soyez critiques face aux produits qui vous sont proposés, en particulier eu égard à votre propension à supporter les risques. N’hésitez pas à faire jouer la concurrence, notamment celle des banques en ligne et, de plus en plus, des nouvelles applications « fintech ».

Alors, ces banquiers, tous des gangsters, des « banksters » ? Assurément, non. Mais ne vous laissez pas braquer !